Société

Étude – La fumée des incendies affaiblit l’immunité et modifie les gènes


Les incendies de forêt ne sont plus des phénomènes isolés ni strictement saisonniers. Avec le changement climatique, leur fréquence et leur intensité ont explosé à travers le globe, exposant des millions de personnes à la fumée toxique qui s’en dégage. Une étude récente, publiée dans la revue Nature Communications, vient alourdir le bilan sanitaire de ces catastrophes naturelles : la fumée des incendies de forêt n’affecte pas seulement les poumons et le système cardiovasculaire, elle affaiblit aussi l’immunité et induit des modifications génétiques durables.

Une menace invisible mais puissante

La fumée des feux de forêt est un mélange complexe de particules fines (PM2.5), de gaz toxiques (ozone, monoxyde de carbone, benzène, formaldéhyde…) et de composés organiques volatils. Ces substances pénètrent profondément dans les voies respiratoires et passent même dans le sang, atteignant ainsi les organes vitaux. Selon les chercheurs de l’Université de Stanford, qui ont conduit l’étude, l’exposition prolongée ou répétée à ces particules déclenche une réaction inflammatoire chronique et perturbe les mécanismes de défense naturelle du corps.

Des effets directs sur le système immunitaire

Les scientifiques ont analysé le sang de plus de 200 personnes vivant à proximité de zones incendiées en Californie sur plusieurs mois. Les résultats ont montré une diminution significative du nombre de lymphocytes T, cellules essentielles de l’immunité adaptative. En parallèle, une augmentation des marqueurs de stress oxydatif et d’inflammation systémique a été observée, suggérant un affaiblissement généralisé de la réponse immunitaire.

Chez certaines personnes, cette immunodépression s’est traduite par une recrudescence d’infections respiratoires, de poussées allergiques et, dans les cas les plus graves, par une aggravation de pathologies chroniques comme l’asthme ou le lupus.

Altérations épigénétiques : l’héritage de la fumée

L’un des aspects les plus troublants de cette étude concerne les changements épigénétiques induits par la fumée. En analysant les profils d’expression génétique, les chercheurs ont découvert que certaines régions du génome, impliquées dans la réponse immunitaire, l’inflammation et la réparation cellulaire, subissent des modifications durables.

Ces altérations épigénétiques ne modifient pas l’ADN lui-même, mais influencent l’activation ou la désactivation de certains gènes. Cela signifie que les effets délétères de la fumée pourraient se manifester sur le long terme, voire être transmis aux générations futures.

Des populations particulièrement vulnérables

Les enfants, les personnes âgées et les individus souffrant de maladies chroniques sont les plus exposés aux effets toxiques de la fumée. Leur système immunitaire étant soit en développement, soit affaibli, les dommages peuvent être plus importants, voire irréversibles. De plus, les populations vivant dans des zones rurales ou mal desservies par les soins médicaux sont doublement pénalisées : plus exposées et moins bien protégées.

Une urgence sanitaire sous-estimée

Alors que les feux de forêt continuent de ravager des régions entières du Canada, de l’Australie, des États-Unis et de l’Europe du Sud, les auteurs de l’étude appellent à une reconnaissance urgente du risque sanitaire. Ils suggèrent d’intégrer la qualité de l’air comme paramètre clé dans la prévention des maladies et d’améliorer la surveillance génétique et immunologique des populations exposées.

Conclusion

La fumée des incendies de forêt est bien plus qu’un simple désagrément temporaire. Elle représente une menace silencieuse, capable de dérégler le système immunitaire et de modifier l’expression génétique de manière profonde et durable. Face à cette réalité, il est impératif d’agir à la fois sur les causes environnementales des incendies et sur la protection des populations, afin de prévenir des conséquences sanitaires potentiellement transgénérationnelles.

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