L'Europe

Espionnage, manipulation et assassinats… Un livre qui éclaire la relation entre la Grande-Bretagne et les Frères musulmans depuis leur fondation


Suite à la décision de la Grande-Bretagne de placer la confrérie des Frères musulmans en tête de sa liste des groupes extrémistes, les médias arabes et occidentaux, ainsi que les activistes sur les réseaux sociaux, ont partagé des extraits du livre « Relations secrètes… Complicité de la Grande-Bretagne avec l’islam radical ». Ce livre est écrit par le journaliste et chercheur, membre visiteur de l’Institut français des relations internationales et de l’Institut allemand de politique étrangère, et auteur de plusieurs ouvrages importants, Mark Curtis.

L’auteur a déclaré que la Grande-Bretagne, dans le cadre de sa politique bien connue de « diviser pour mieux régner », s’était associée à des mouvements et forces religieuses dans ses nombreuses colonies afin de renforcer son contrôle sur ces territoires et de continuer à exploiter leurs richesses aussi longtemps que possible. Ainsi, la Grande-Bretagne s’est retrouvée à rechercher des « forces islamiques » avec lesquelles coopérer dans le but de réaliser cet objectif, après que la Turquie ait – contre toute attente – rejoint l’Allemagne et les puissances alliées dans la Première Guerre mondiale. En Égypte, l’une des colonies britanniques les plus importantes à l’époque, les autorités d’occupation britanniques ont rapidement trouvé leur allié dans le mouvement des Frères musulmans, fondé par un enseignant de langue arabe nommé Hassan el-Banna dans la ville égyptienne d’Ismailia en 1928, en tant que mouvement de réforme religieuse.

L’auteur a ajouté que dès le début, Hassan el-Banna avait des intérêts politiques et était désireux de s’impliquer dans les événements tumultueux qui secouaient son pays dans les années vingt du siècle dernier. Il était un homme doté d’une personnalité pragmatique, prêt à traiter avec n’importe quelle partie pour atteindre ses objectifs cachés. Cette personnalité l’a rendu disposé à coopérer avec les tentatives des hommes du palais royal pour attirer son groupe, après que son influence ait augmenté, afin de renforcer la position du palais face aux partis nationalistes égyptiens populaires de l’époque, en particulier le parti Wafd, et pour résister aux tendances communistes (athées) qui commençaient à se répandre largement.

Le livre présente des documents britanniques officiels classifiés qui ont été divulgués ces dernières années, révélant les transactions secrètes entre les Frères musulmans et les services de renseignement britanniques, qui ont fourni de l’argent au fondateur Hassan el-Banna afin de les contrôler, d’orienter leurs actions et de les utiliser à leur avantage. L’auteur poursuit en disant que les services de renseignement britanniques savaient que de nombreuses idées des groupes et forces religieuses avec lesquelles ils coopéraient avaient des tendances anti-occidentales, mais cela ne les empêchait pas d’entretenir des contacts et une coopération secrète avec elles pour atteindre des objectifs tactiques à court terme, comme la préservation des ressources naturelles et la contrariété des idées nationalistes, qu’ils considéraient comme plus dangereuses pour les autorités d’occupation que les idées religieuses.

Les documents inclus dans le livre de l’auteur révèlent que le financement secret fourni par les autorités britanniques en Égypte aux Frères musulmans était coordonné avec le palais royal égyptien. Une des documents indique : « Le gouvernement égyptien versera secrètement des subventions aux Frères musulmans, mais demandera pour cela une aide financière de notre ambassade… À travers ces aides, le gouvernement égyptien travaillera à infiltrer certains agents secrets au sein du groupe pour surveiller ses activités et opérations, et nous, à notre tour, obtiendrons des informations sur le groupe de ces agents, puis nous les communiquerons au gouvernement égyptien ».

Le livre souligne que la coopération avec le groupe s’est intensifiée particulièrement dans les années quarante, avec l’avènement de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, ce qui ressort le plus remarquablement du livre est que la coopération de la Grande-Bretagne avec le groupe n’a pas cessé même après la révolution de juillet 1952, alors que la Grande-Bretagne a continué à entretenir des relations secrètes avec les Frères musulmans même pendant les négociations de retrait menées par Nasser avec les autorités britanniques, qui ont abouti à la signature de l’accord de retrait en octobre 1954.

La raison de la poursuite de cette coopération, selon les documents, était que la Grande-Bretagne considérait que coopérer avec les Frères musulmans était bien meilleur que de traiter avec les forces nassériennes et nationalistes, qui considéraient l’indépendance nationale et se débarrasser de la domination occidentale dans la région arabe comme leur priorité. Cette coopération visait à pousser le groupe à entreprendre des opérations secrètes pour semer le trouble et l’instabilité afin de saper les fondements du nouveau gouvernement. En fait, la Grande-Bretagne a contacté des membres des Frères musulmans pendant la crise de Suez comme partie de son plan global pour contacter des politiciens, des partis et des forces nouvelles pour coopérer en vue de renverser Nasser, ce qui s’est finalement produit avec son assassinat, les Frères musulmans étant les premiers suspects, suivi de l’assassinat du président Anouar el-Sadate.

Le livre explique que bien que la complicité des Frères musulmans avec les services de renseignement britanniques et autres ne soit pas un secret, l’importance des informations contenues dans le livre réside dans le fait qu’elles sont tirées de documents officiels britanniques. L’auteur renforce ces informations en citant les révélations de Ken Livingstone, ancien maire de Londres, en mars 2008, selon lesquelles les Frères musulmans égyptiens recevaient de l’argent du MI6, le service de renseignement extérieur britannique, et que cet argent a permis au groupe de rester « une menace et un danger réels pour les régimes en Égypte ».

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