Politique

Entre l’armée et les Frères musulmans… un écrivain résume la crise soudanaise


Le journaliste soudanais Abdel Moneim Hemmat a déclaré que quiconque analyse la scène actuelle au Soudan avec un regard analytique ancré dans l’histoire comprendra que la crise n’est ni soudaine ni le fruit d’erreurs politiques isolées. Elle est plutôt le résultat direct d’une alliance ancienne — et toujours en cours — entre l’institution militaire et l’organisation des Frères musulmans, une alliance qui a façonné les traits de l’État soudanais depuis plus de trois décennies, le transformant en un champ de bataille permanent entre la logique de l’État et celle du groupe.

Dans un article publié sur le site Al-Rakoba, Hemmat écrit : « Ce lien s’est établi avec le coup d’État du 30 juin 1989, lorsque l’armée soudanaise est passée d’une institution nationale à un bras exécutif d’un projet idéologique qui ne reconnaissait l’État que dans la mesure où celui-ci servait son entreprise. Depuis lors, le Soudan est devenu un État kidnappé, gouverné non par la citoyenneté mais par la loyauté, non selon la Constitution mais selon une “jurisprudence de nécessité”, un pays qui ne progresse pas vers l’avenir mais s’enlise dans des identités antérieures à l’État. »

Le journaliste affirme que la crise actuelle du Soudan n’est pas une crise de transition, mais une crise structurelle. C’est une crise d’une institution militaire qui s’est confondue avec le projet des Frères musulmans au point que les frontières entre la caserne et le prêche, entre politique et idéologie, entre nation et groupe, ont disparu. C’est pourquoi toute tentative de sortie de ce tunnel est vouée à l’échec si elle ne commence pas par une rupture totale avec cette alliance organique entre l’armée et les Frères musulmans.

Il explique : « Pendant trois décennies, l’institution militaire a constitué la colonne vertébrale du pouvoir, non pas en tant que garante de la stabilité, mais en tant qu’outil de domination entre les mains d’un groupe particulier. Durant cette période, l’armée elle-même a été reconfigurée — dans sa structure comme dans son idéologie — pour devenir au service du projet islamiste, et non le protecteur de l’État. »

Il ajoute : « Aujourd’hui, à chaque tentative sérieuse de transition vers un régime civil et démocratique, la même vérité émerge : l’armée reste prisonnière de cette relation historique, et rompre ce lien n’est pas un luxe politique, mais une nécessité existentielle. »

Hemmat insiste sur la nécessité de reformuler la doctrine militaire sur des bases strictement nationales, fondées sur la loyauté envers la Constitution et la loi, et non envers un chef, un cheikh ou un parti. Cela nécessite également une restructuration de l’institution militaire pour qu’elle soit placée sous l’autorité d’un pouvoir civil élu.

Tous ceux qui ont utilisé l’armée pour la répression, la domination ou l’enrichissement illégal doivent rendre des comptes de manière transparente, sans équivoque ni exception. Par ailleurs, il est indispensable de lancer un projet national fédérateur qui redéfinisse l’État comme une patrie pour tous ses citoyens, et non comme un terrain de règlement de comptes entre factions, un projet qui instaure une coexistence sans exclusion ni domination d’une identité sur une autre.

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