Des experts français misent sur un rôle européen pour garantir la durabilité de la paix à Gaza

Des experts français estiment que le Sommet de la paix de Charm el-Cheikh sur Gaza constitue un tournant décisif dans le processus diplomatique au Moyen-Orient. Cependant, ils avertissent que la mise en œuvre et la reddition de comptes restent les principaux défis, soulignant que les engagements pris aujourd’hui risquent de ne pas suffire à assurer une paix durable sans une implication européenne forte.
Le Sommet de Charm el-Cheikh, qui se tient ce lundi sous la coprésidence du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et du président américain Donald Trump, intervient après la signature de la première phase de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, comprenant un échange de prisonniers et d’otages. L’événement a une forte portée symbolique : plus de vingt chefs d’État, dont Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer, y participent, aux côtés du secrétaire général des Nations unies António Guterres.
Fait notable, ni Israël ni le Hamas ne participent officiellement à la signature de l’accord, soulevant des doutes sur la capacité de la conférence à produire des décisions véritablement contraignantes.
Pour le professeur Gilles-Emmanuel Jacquet, chercheur à l’Institut de recherche sur la paix à Genève, cette rencontre représente « une opportunité diplomatique de relancer le processus de paix, mais elle risque de demeurer purement déclarative si elle n’est pas accompagnée de mécanismes rigoureux de suivi et de responsabilité ». Selon lui, « le principal point faible réside dans l’absence d’outils exécutifs
concrets, transformant souvent ces sommets en simples cartes d’intention vite oubliées ».
Jacquet souligne que la réussite dépendra de l’implication des acteurs locaux, notamment l’Autorité palestinienne et les factions sur le terrain, dans le suivi post-sommet. L’absence d’Israël et du Hamas à la signature représente, selon lui, « une faille majeure qui pourrait permettre aux parties de se soustraire à leurs engagements ».
Grégory Daho, professeur de science politique et membre du projet “Études de guerre” à la Sorbonne, estime pour sa part que le véritable défi sera de transformer le cessez-le-feu en un accord politique durable définissant la gouvernance future de Gaza. Daho observe que le sommet se concentrera sans doute sur les déclarations de soutien, la reconstruction et les garanties sécuritaires, mais que les questions de fond – comme la réintégration des factions palestiniennes et le renforcement institutionnel – risquent d’être repoussées à plus tard.
Selon lui, la mise en œuvre du plan Trump en vingt points repose sur deux acteurs clés du terrain : Israël, susceptible de retarder le retrait de ses troupes, et le Hamas, qui refuse de renoncer à ses armes et à son autorité. Pour réussir, la conférence doit, dit-il, « combiner pressions diplomatiques et engagements économiques concrets, notamment en matière de reconstruction et de sécurité ».
Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI), met en avant la responsabilité centrale de l’Europe : « L’Union européenne peut jouer un rôle décisif pour intégrer le plan américain dans un cadre multilatéral crédible. » Elle souligne que l’UE pourrait conditionner ses aides à Israël et à l’Autorité palestinienne au respect des engagements conclus, ou encore mobiliser son influence économique et diplomatique pour instaurer des mécanismes de transparence et de suivi.
Mais Fayet met en garde contre les divisions internes européennes, notamment autour de la position de l’Allemagne vis-à-vis d’Israël, qui pourraient limiter l’efficacité de l’action commune. Elle note enfin que l’absence d’Israël et du Hamas à la table des signataires laisse présager que les points les plus sensibles seront réglés par des négociations parallèles plutôt que dans le cadre officiel du sommet.
Selon la chercheuse, la conférence offrira néanmoins une scène diplomatique majeure où seront abordés la reconstruction de Gaza, les garanties de sécurité, la supervision internationale et les mécanismes de transparence – autant de sujets essentiels à la consolidation d’une paix durable.