Politique

Craintes d’un nouveau Garde révolutionnaire : division en Irak autour de la loi sur le Hachd al-Chaabi


Une profonde division domine la scène politique irakienne à propos du vote sur un projet de loi concernant la Commission du Hachd al-Chaabi, visant à la transformer en institution sécuritaire intégrée.

Certains y voient l’aboutissement du processus d’intégration du Hachd al-Chaabi, tandis que d’autres redoutent la création d’un « Garde révolutionnaire irakien », susceptible de menacer l’équilibre national et d’offrir une couverture légale à des factions liées à l’Iran pour renforcer leur influence politique et militaire.

Le Parlement irakien s’apprête à voter sur ce projet de loi controversé qui transformerait le Hachd al-Chaabi d’une structure temporaire placée sous l’autorité du Premier ministre, en une institution sécuritaire permanente dotée d’une organisation propre, d’un budget indépendant et d’une académie militaire. Le texte élèverait également le statut de son dirigeant, Faleh al-Fayyad — sous sanctions américaines — au rang de ministre et membre du Conseil de sécurité nationale.

Cette initiative a provoqué une vive controverse interne ainsi qu’une forte opposition américaine et occidentale, Washington y voyant une consolidation de l’influence iranienne au sein de l’appareil sécuritaire irakien.

La nouvelle loi prolonge celle de 2016 qui avait intégré le Hachd aux forces armées officielles sous l’autorité du Premier ministre, sans en préciser toutefois la structure, la retraite et les avantages.

Un débat sur la « légitimité » du Hachd

Pour Nizar al-Abadi, analyste proche du courant chiite au pouvoir, « le nouveau texte comble ces lacunes et place les combattants du Hachd sur un pied d’égalité juridique avec les autres institutions sécuritaires ». Selon lui, les objections américaines constituent une « ingérence injustifiée dans une affaire purement interne ».

Al-Abadi estime que la loi n’est pas seulement sécuritaire mais également politique, puisqu’elle pourrait redéfinir l’équilibre des forces lors des élections prévues en novembre prochain.

Selon Amer al-Fayez, chef de l’alliance Tasmim, 135 députés avaient déjà signé une demande de session extraordinaire pour approuver la loi, dont certains élus sunnites.

Le spectre dun « Garde révolutionnaire irakien »

Pour Akram al-Assaf, député sunnite de l’alliance Siyada, le projet vise à donner au Hachd un statut parallèle à l’armée avec une autonomie financière et de commandement. Selon lui, certaines dispositions pourraient permettre à des factions du Hachd de constituer leurs propres branches militaires (terrestres, navales, aériennes), alimentant les inquiétudes sur de futurs affrontements entre le Hachd et l’armée régulière, comme lors des récents incidents autour de Bagdad.

Il avertit : « La loi transformerait le Hachd en Garde révolutionnaire irakien, menaçant l’équilibre national et légitimant l’influence politique et militaire de groupes liés à l’Iran ».

Al-Assaf a également révélé que Washington avait menacé d’imposer des sanctions économiques sur des institutions irakiennes, dont la banque Rafidain et la société pétrolière SOMO, si le projet était adopté.

La position kurde

Jwan Abdullah Omar, députée du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), estime qu’un consensus national est nécessaire avant d’adopter la loi. Elle insiste sur la nécessité d’exclure les factions armées du Hachd, rappelant que certaines ont été accusées d’attaques de drones contre des sites pétroliers et gaziers du Kurdistan.

Une loi sous pression internationale

Malgré le soutien du Premier ministre Mohammed Shia al-Soudani, qui considère le Hachd comme une « institution militaire officielle irakienne », les États-Unis ont exprimé leurs vives inquiétudes. Washington accuse certaines factions du Hachd — telles que Kataeb Hezbollah, Asaïb Ahl al-Haq ou Harakat Hezbollah al-Nujaba, toutes classées terroristes par les États-Unis — de continuer à mener des attaques contre des troupes américaines et des civils irakiens.

Des responsables américains ont prévenu que l’adoption de la loi entraînerait des sanctions économiques, dans le cadre de la politique de « pression maximale » contre l’Iran.

De son côté, le ministre irakien des Affaires étrangères Fouad Hussein a mis en garde contre le « mauvais timing » du projet, affirmant qu’il risquait d’approfondir les tensions régionales et de provoquer une nouvelle crise économique.

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