Politique

Comme si le monde nous avait oubliés : Gaza craint que sa tragédie soit enterrée sous les frappes entre l’Iran et Israël


Alors que l’attention du monde est braquée sur l’escalade militaire entre l’Iran et Israël, Gaza mène une guerre silencieuse contre la faim et la mort, loin des caméras.

Des Palestiniens de la bande de Gaza ont exprimé leur crainte que le monde « oublie » leur souffrance au milieu des bombardements entre Israël et l’Iran depuis vendredi dernier.

Bissan Qouider, une jeune fille de Gaza, vient de perdre son père, tué alors qu’il tentait de rapporter de la nourriture pour elle et ses dix frères et sœurs affamés.

Son père, Chadi Qouider, savait que se rendre à Ma’an, à l’est de Khan Younès, était dangereux, car la zone avait été sous ordre d’évacuation israélien et avait subi des frappes.

Mais malgré les risques, ses enfants avaient faim. Il pensait pouvoir trouver à manger là-bas, raconte le photojournaliste Khaled Shaath à CNN, qui a documenté le deuil de Bissan.

Shaath a précisé que Qouider avait été tué lors d’une frappe aérienne et que son corps avait été retiré des décombres dimanche. Il est l’un des centaines de Palestiniens tués ces dernières semaines en tentant d’accéder à de la nourriture, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Interrogée sur la situation à Ma’an, l’armée israélienne a envoyé à CNN une carte de Gaza, avec les « zones de combat dangereuses » en rouge, couvrant la majorité du territoire.

Bissan n’a retrouvé qu’une seule chose de son père : ses chaussures.

Crise alimentaire à Gaza

La bande de Gaza fait face à une crise alimentaire majeure. Un rapport soutenu par l’ONU, publié fin avril, a averti qu’un habitant sur cinq était en situation de famine.

Depuis, la situation s’est encore détériorée.

Fin mai, Israël a partiellement levé un blocus total imposé pendant onze semaines. Mais les ONG affirment que l’aide qui entre reste très insuffisante.

Tom Fletcher, coordinateur humanitaire de l’ONU, a déclaré : « Sans un accès immédiat et massif aux biens essentiels, nous risquons de sombrer dans la famine, le chaos et une perte accrue de vies humaines. »

Le CICR a confirmé lundi que les habitants peinent à se procurer les produits de base, en raison des restrictions israéliennes sur les biens autorisés à entrer à Gaza.

Cette catastrophe humanitaire a suscité une indignation mondiale, poussant certains alliés d’Israël à réagir.

La France, le Royaume-Uni et le Canada ont publié une déclaration rare critiquant Israël, menaçant de prendre des « mesures concrètes » si la situation ne s’améliorait pas.

Le Royaume-Uni a suspendu des négociations commerciales avec Israël et imposé des sanctions à des colons en Cisjordanie. L’Union européenne a annoncé qu’elle réexaminerait un accord de coopération majeur avec Tel-Aviv.

Pendant ce temps, la Fondation humanitaire de Gaza, soutenue par Israël et les États-Unis, distribue de l’aide depuis le 27 mai. Mais elle a été critiquée par plusieurs agences internationales, jugée inadaptée aux besoins.

Tensions Iran-Israël, et « sacs mortuaires » à Gaza

Avec l’escalade des tensions entre Israël et l’Iran, les habitants de Gaza craignent que même la pression limitée sur Israël pour améliorer leur sort disparaisse complètement.

« La guerre entre Israël et l’Iran a fait que tout le monde nous a oubliés », a déclaré Mohamed (nom modifié), un habitant de Gaza, à CNN. « Il n’y a plus ni nourriture, ni eau, ni rien. Chaque jour, des gens partent chercher de l’aide, et ils reviennent dans des sacs mortuaires. »

Umm Mustafa, une autre Gazaouie, a confirmé : « Le conflit grandissant entre l’Iran et Israël signifie que notre souffrance a été effacée de l’agenda médiatique international. »

Abou Jomaa, de la ville de Gaza, note que « malgré quelques appels à la solidarité, plus personne ne réclame aujourd’hui la fourniture d’eau ou de nourriture à Gaza. »

Un mort sur 40 habitants

Depuis le 7 octobre 2023, la guerre a tué plus de 55 300 personnes et blessé plus de 128 700, selon les autorités sanitaires. Cela représente environ 2,5 % de la population totale de Gaza : soit un mort pour 40 habitants.

Une étude parue dans The Lancet estime même que ce chiffre serait bien plus élevé que les statistiques officielles.

Depuis le début des distributions de la Fondation humanitaire de Gaza, au moins 300 personnes auraient été tuées dans des zones de combat proches des centres d’aide, d’après les autorités.

Le Bureau de la coordination humanitaire de l’ONU (OCHA) affirme qu’Israël autorise l’accès à très peu d’ONG et agences onusiennes, et que seule une quantité très limitée d’aliments, de matériel médical et d’eau est admise.

Les abris, produits d’hygiène et équipements médicaux restent interdits.

« Il n’y a rien à manger ni à boire », affirme Abou Mohamed. « Le prix du sac de farine a été multiplié par 300 à 500. On a vraiment l’impression que le monde nous a oubliés. »

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