Politique

Centrafrique : Des corps « sans têtes » ravivent le spectre du conflit sectaire


Deux corps torturés assis, dos contre le mur, tenant dans leurs mains leurs propres têtes décapitées.

Une scène macabre apparue dans une vidéo largement diffusée en République centrafricaine pendant une semaine, évoquant l’une des pires phases de la guerre sectaire dans ce pays africain troublé.

Alors que certaines groupes armés ont tenté de blâmer des éléments de l’armée, le ministère de la Défense s’est empressé de se dissocier de toute violation similaire, niant toute responsabilité dans la scène horrible relayée.

Le ministère a expliqué dans un communiqué qu’il était au courant de la mort du chef de guerre José Bafio avec un des bandits lors des affrontements, mais il a souligné qu’il ne disposait d’aucune information sur le sort des deux corps, et n’a pas été en mesure d’identifier les corps circulant dans les images.

La photo a immédiatement rappelé à Enrica Picco, de l’International Crisis Group, que la violence intense au début de la guerre sectaire, il y a plus de 10 ans, entre la coalition « Séléka » (majorité musulmane) et les milices chrétiennes « Anti-Balaka », n’a jamais cessé.

À cette époque, José Bafio lui-même avait incité à de nombreuses exactions contre la population en République centrafricaine, en particulier contre l’ethnie Peule.

Au début des années 2020, il a aidé les forces du président Faustin-Archange Touadéra à repousser une attaque menée par une coalition de rebelles sur la capitale Bangui.

Son intégration ultérieure dans l’armée n’était pas suffisamment profitable pour lui, et il est redevenu chef rebelle.

« Crimes horribles »

Dans son communiqué, le ministre de l’Intérieur de la Centrafrique, Ramo Claude Biro, n’a pas manqué de saluer le succès de l’opération des forces armées et de leurs alliés russes dans la province de Boka, contre un groupe rebelle composé d’anciennes factions de milices « Anti-Balaka », qui s’étaient intégrées à l’armée avant de s’en retirer.

Pour sa part, Abdoulaye Diarra, chercheur à Amnesty International, appelle le système judiciaire centrafricain à enquêter.

Mais selon Enrica Picco de l’International Crisis Group, il sera extrêmement difficile de déterminer qui est précisément derrière les décapitations et de tenir les auteurs de tels « crimes horribles » pour responsables.

Elle ajoute dans une interview avec les médias français : « Il est important de rester vigilant face à l’intégration systématique des milices dans l’armée ».

La Centrafrique continue de souffrir des conséquences d’une guerre sectaire qui a éclaté il y a plus de 10 ans, opposant la coalition « Séléka » majoritairement musulmane aux milices chrétiennes « Anti-Balaka ».

Les massacres ont poussé les musulmans à fuir leurs maisons à Bangui et dans tout le pays à la suite de l’escalade des attaques sectaires.

Plus tard, la crise a atteint son paroxysme avec l’installation de Catherine Samba-Panza, chrétienne, comme nouvelle présidente intérimaire en 2014, succédant à Michel Djotodia.

Djotodia a été le premier président musulman de la Centrafrique depuis son indépendance de la France en 1960, mais il a été contraint de démissionner sous la pression régionale et internationale.

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