Avant les bombardements : une opération de sauvetage pour préserver 2000 ans de mémoire à Gaza

Au cœur du conflit, la culture et la mémoire de l’humanité demeurent menacées de disparition, transformant les vestiges archéologiques en témoins muets de la brutalité de la guerre.
C’est ce qui s’est produit dans la bande de Gaza, où des équipes humanitaires ont mené une véritable course contre la montre pour sauver des milliers de pièces archéologiques d’un entrepôt voué à être bombardé, alors même que la population subissait le siège, la pénurie de carburant et le manque de ressources vitales.
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Ces derniers jours, des équipes d’aide internationale ont conduit une opération d’urgence pour évacuer des milliers d’objets historiques dans la ville de Gaza, quelques heures seulement avant que leur entrepôt ne soit détruit par une frappe israélienne, selon un rapport de l’Associated Press».
L’opération a nécessité neuf heures de négociations avec l’armée israélienne, suivies de recherches effrénées pour trouver des camions dans un territoire dévasté et à court de carburant, puis six heures d’emballage précipité, les objets étant soigneusement disposés dans des cartons entassés sur des camions à plateaux ouverts.
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Un entrepôt chargé d’histoire
Ce dépôt renfermait les résultats de plus de vingt-cinq années de fouilles, dont des fragments d’un monastère byzantin du IVe siècle inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que certains des plus anciens témoignages du christianisme à Gaza.
Les artefacts sauvés incluent des cruches en céramique, des mosaïques, des pièces de monnaie, du plâtre peint, des restes humains et animaux, ainsi que d’autres découvertes provenant du monastère de Saint-Hilarion, l’un des plus anciens exemples connus de communautés monastiques chrétiennes au Proche-Orient, selon l’UNESCO.
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Une opération sans préparatifs
Dès l’aube de jeudi, les ouvriers se sont hâtés de charger cinq camions à plateau du maximum d’objets fragiles en à peine six heures.
Les artefacts, jusque-là soigneusement catalogués et stockés dans l’entrepôt, furent emballés à la hâte dans des cartons, tandis que des poteries vieilles de près de deux millénaires reposaient directement sur le sable.
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Kevin Sharbel, coordinateur des urgences pour l’ONG « First International Relief », active à Gaza depuis 2009, a rappelé que le transfert d’artefacts aussi anciens exige normalement une préparation longue et des dispositifs spécifiques pour protéger ces pièces délicates — ce qui était impossible dans les circonstances.
L’armée israélienne, de plus, interdit l’usage de camions fermés, exposant les objets à des risques supplémentaires.
Dimanche, Israël a bombardé le bâtiment, affirmant que le Hamas y avait installé des postes d’observation et des infrastructures de renseignement.
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Quand l’histoire devient une victime de la guerre
Alors que l’offensive terrestre israélienne s’intensifie, les pièces ont été déplacées vers un autre site dans la ville de Gaza. Mais elles demeurent à l’air libre, vulnérables aux intempéries et en grand danger face à la poursuite des bombardements.
L’UNESCO a signalé qu’Israël avait endommagé au moins 110 sites culturels à Gaza depuis le début de la guerre en octobre 2023, dont 13 lieux de culte, 77 édifices à valeur historique ou artistique, un musée et sept sites archéologiques.
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Une question éthique profonde
Kevin Sharbel a reconnu que l’opération soulevait une interrogation morale : était-il raisonnable d’allouer tant de ressources — carburant, camions rares et vies humaines mises en danger sous un bombardement constant — pour sauver des objets inanimés alors que la population manquait d’eau, de nourriture et de médicaments ?
« Mais nous avons accepté, dit-il, parce que ces pièces sont d’une valeur inestimable. Elles ne concernent pas seulement la mémoire palestinienne, mais celle du monde entier. Détruire ces témoignages précoces du christianisme en Palestine, c’est les effacer à jamais. »