Politique

Al-Charaa a-t-il exigé une protection américaine pour participer au sommet arabe à Bagdad ?


Une source gouvernementale irakienne confirme que le président syrien intérimaire, Ahmed al-Charaa, a demandé aux autorités irakiennes et à la partie américaine des garanties sécuritaires supplémentaires, notamment sa protection assurée par une société de sécurité américaine, en raison des menaces émanant de milices et de forces liées à Téhéran.

À l’approche du sommet arabe prévu à Bagdad le 17 mai, des doutes persistent quant à la participation du président syrien intérimaire, Ahmed al-Charaa, en raison de sérieuses préoccupations sécuritaires exprimées ces derniers jours. Des observateurs qualifient la situation d’« environnement sécuritaire sensible » contrôlé par des milices pro-iraniennes, dont certaines ont explicitement exprimé leur refus de la venue d’al-Charaa dans la capitale irakienne.

Un responsable gouvernemental irakien a révélé au site kurde irakien “Shafaq News”, lundi, que al-Charaa a exigé des garanties exceptionnelles, incluant notamment une protection par une entreprise de sécurité américaine. Cette demande traduit une méfiance envers les entités officielles responsables de la sécurité à Bagdad, dont certaines, selon al-Charaa, sont sous influence iranienne directe.

Bien que le gouvernement irakien ait adressé une invitation officielle à al-Charaa — un geste marquant un rapprochement entre Bagdad et Damas après des années de rupture — cette initiative a suscité de vifs débats sur la scène politique irakienne, notamment parmi les factions pro-iraniennes. Certains ont rappelé le passé d’al-Charaa, connu autrefois sous le nom d’« Abou Mohammad al-Joulani », pour son rôle dans les activités jihadistes en Irak à l’époque où Al-Qaïda y était très active.

Des interrogations juridiques ont été soulevées quant à sa poursuite possible, mais des experts en droit ont confirmé que son statut actuel de chef d’État lui confère une immunité diplomatique complète conformément au droit international, annulant ainsi toute précédente notice d’arrestation.

Ce qui inquiète Damas, selon des sources proches de la présidence syrienne, ce n’est pas seulement le passé juridique d’al-Charaa, mais surtout les menaces implicites de factions armées pro-iraniennes, qualifiant sa venue de « provocation inacceptable ». D’autres groupes comme le Cadre de coordination ont gardé un flou stratégique, décrivant l’invitation comme « protocolaire », sans soutien ou opposition claire.

Face à cette ambiguïté, al-Charaa estime que la position iranienne reste incertaine, Téhéran observant un silence inquiétant, sans confirmer son approbation ni adresser de garanties à Damas quant à la sécurité de la délégation syrienne.

Un haut responsable syrien a affirmé : « al-Charaa ne croit pas que le gouvernement irakien, malgré ses bonnes intentions, puisse garantir la sécurité pendant le sommet, car plusieurs institutions sécuritaires clés sont toujours influencées par des factions loyales à l’Iran. »

La demande d’al-Charaa d’une garantie américaine à travers une société privée illustre la profondeur de l’inquiétude syrienne face à la situation sécuritaire à Bagdad. Cette requête contient un double message politique : d’une part, une défiance vis-à-vis des garanties irakiennes ; d’autre part, une tentative de neutraliser les acteurs qui verraient en sa présence une provocation.

Cette requête intervient alors que le Qatar joue un rôle de médiation actif entre Damas et Bagdad. Une rencontre préalable entre al-Charaa et le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani à Doha a d’ailleurs pavé la voie à l’invitation officielle. Mais malgré son soutien, le Qatar ne dispose d’aucun levier opérationnel pour assurer la sécurité d’al-Charaa sur le sol irakien.

Le Cadre de coordination — principal bloc pro-iranien — n’a pas officiellement rejeté la participation d’al-Charaa, mais les déclarations récentes de ses dirigeants, dont Ammar al-Hakim et Hadi al-Ameri, ont minimisé l’invitation, la qualifiant de simple « protocole », évitant ainsi une position qui pourrait heurter Téhéran.

Plus inquiétant encore, certains chefs de factions armées ont proféré des menaces à peine voilées, dénonçant « l’utilisation du sommet pour recycler des figures responsables du sang irakien ». Ces messages sont perçus par les proches d’al-Charaa comme des menaces indirectes mais sérieuses à son encontre.

L’annonce de l’invitation a d’ailleurs déclenché une vague d’attaques médiatiques sans précédent contre le gouvernement irakien, l’accusant de « légitimer la présence d’anciens jihadistes sur la scène régionale ». Cela montre à quel point l’Irak reste divisé quant à sa position vis-à-vis de Damas et des nouvelles autorités syriennes.

Si cette visite a lieu, elle marquera une étape clé dans la normalisation entre la Syrie et les capitales arabes. Al-Charaa veut démontrer que la Syrie sous sa direction revient dans le giron arabe après des années d’isolement. Toutefois, les menaces sécuritaires et le rejet de puissants acteurs rendent cette participation à haut risque, avec des craintes réelles d’attentat ou de tentative d’assassinat.

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