L’arrachage des souvenirs… comment la colonisation disperse les Palestiniens en Cisjordanie ?
Cette année, la Cisjordanie a connu la plus vaste opération d’expansion coloniale depuis des décennies, poussant des familles palestiniennes à quitter leurs foyers de manière forcée.
Dans un contexte d’expansion sans précédent redessinant la carte de la Cisjordanie, des Palestiniens se retrouvent déracinés de terres sur lesquelles ils ont vécu pendant des décennies.
Mohammad Abdel Rahman, âgé de 58 ans, est l’un d’eux. Durant vingt ans, il a vécu avec son épouse et ses ruches sur le flanc d’une colline isolée de la Cisjordanie occupée par Israël.
Mais en mai, des colons israéliens ont installé un avant-poste à environ 200 mètres de son domicile et se sont emparés de la route qui y mène, l’empêchant d’y retourner, selon son témoignage. Des soldats israéliens ont ensuite expulsé lui et son épouse, Suha Abdel Rahman, d’après leurs récits.
Les colons ont établi un avant-poste près de la maison d’Abdel Rahman, ont hissé le drapeau israélien et contrôlé la route d’accès.
Abdel Rahman déclare au New York Times : « Toutes mes mémoires sont dans cette maison. Ils ne volent pas seulement notre terre, ils tentent aussi de couper les racines qui nous y attachent. »
Dans la plus importante expansion depuis des décennies, le gouvernement a approuvé la transformation de 22 villages et quartiers en colonies réparties sur l’ensemble de la Cisjordanie, dont la colonie de Beit Horon Nord, proche du domicile d’Abdel Rahman à l’ouest de Ramallah.
Abdel Rahman et son épouse comptent parmi les premiers touchés par la décision du gouvernement israélien de redessiner la carte de la Cisjordanie en convertissant davantage de zones palestiniennes en implantations coloniales.
Les enjeux de la politique de colonisation
Selon le journal, cette dynamique s’inscrit dans une politique de longue date visant à consolider le contrôle israélien sur les territoires palestiniens occupés. Elle s’est accélérée depuis le retour de Benyamin Netanyahou au pouvoir en 2022, et encore davantage après la guerre de Gaza déclenchée par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023.
La Cisjordanie a également connu une montée de la violence des colons, que la police israélienne admet ne pas réussir à contenir, en plus d’opérations militaires d’envergure censées viser des combattants mais ayant entraîné le déplacement de quartiers palestiniens entiers.
Chercheurs et historiens affirment que cela a provoqué la plus grande vague de déplacement des Palestiniens en Cisjordanie depuis un demi-siècle.
État palestinien et colonisation
La majorité de la communauté internationale estime que l’établissement d’un État palestinien incluant la Cisjordanie est essentiel pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Mais Israël renforce sa présence depuis 1967 à travers des colonies y compris dans des zones densément peuplées de Palestiniens.
Selon Israel Gantz, l’un des dirigeants des conseils de colons ayant porté le plan, le gouvernement cherchait à accélérer l’expansion coloniale grâce à la décision de mai.
En parallèle, l’Autorité palestinienne tente de renforcer sa présence sur le terrain avant qu’Israël ne consolide davantage la sienne.
Gantz déclare : « Supposons qu’il y ait 500 acres de terre que l’État ne veut pas perdre ; il y établit un village. Il n’est pas nécessaire qu’il devienne une ville, mais le simple fait d’être là empêche une autre partie d’y être. »
L’ONU et la Cour internationale de Justice affirment que toutes les colonies en Cisjordanie occupée sont illégales, ce qu’Israël conteste.
Projet E1
En août dernier, le gouvernement israélien a approuvé un projet de colonisation majeur connu sous le nom de E1, qui diviserait de facto la Cisjordanie en deux, compliquant la création d’un État palestinien continu.
Ces derniers mois, plusieurs responsables gouvernementaux ont menacé à plusieurs reprises d’annexer des parties de la Cisjordanie.
L’année passée, les colons ont construit un nombre record d’avant-postes, selon un responsable militaire israélien cité anonymement par le journal.
Hagit Ofran, de l’organisation La Paix Maintenant, indique que plus de 40 avant-postes ont été créés au cours des six derniers mois.
Gantz explique que le plan gouvernemental visant à créer 22 colonies vise à « réduire l’expansion urbaine palestinienne et à relier les zones peuplées aux Israéliens », ajoutant : « Beit Horon Nord, par exemple, empêchera l’expansion de Ramallah. »
Selon les accords d’Oslo, les deux parties s’étaient engagées à ne pas modifier le statut de la Cisjordanie. Mais des gouvernements israéliens successifs ont ignoré les avant-postes non autorisés, tandis que l’armée leur fournissait une protection tacite, ouvrant la voie à une expansion massive.
Certaines zones reculées, comme celle où vivait Abdel Rahman, n’étaient pas concernées par cette expansion jusqu’à cette année.
Abdel Rahman affirme : « Nous pensions que personne ne prêterait attention à notre petite parcelle. » Il dit être prêt à se battre pour sa maison et avoir déposé des plaintes auprès de la police israélienne et de l’administration civile.
