Politique

30 ans de traque au sein du Hezbollah… Comment Israël a-t-il atteint al-Tabtabai ?


Pendant trois décennies, le nom de Haitham al-Tabtabai a circulé dans les couloirs du renseignement israélien comme un fil ininterrompu au cœur de la structure du Hezbollah.

Selon ce qu’a rapporté le journal Yedioth Ahronoth, la division des recherches de la Direction du renseignement militaire israélien a suivi durant près de 30 ans le parcours de Haitham Ali al-Tabtabai, jusqu’à sa nomination au poste de chef d’état-major du Hezbollah.

Lorsque les conditions opérationnelles ont été réunies pour le cibler, l’avis des experts était clair : il fallait saisir l’occasion. C’est ce qui s’est produit le 23 du mois en cours, lorsqu’une frappe israélienne l’a visé dans la banlieue sud de Beyrouth.

Qui est Haitham al-Tabtabai ?

Le lieutenant-colonel « Y », chef de la section Liban au sein de la division des recherches de la Direction du renseignement militaire, explique dans un entretien avec Yedioth Ahronoth que Haitham Ali al-Tabtabai comptait parmi les figures les plus marquantes encore actives au sein du Hezbollah, le qualifiant de personnage central depuis 30 ans.

Il ajoute qu’al-Tabtabai « a dirigé le processus de réhabilitation du parti depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 27 novembre de l’année dernière ».

Il « travaillait également avec l’Iran pour importer des équipements et des capacités supplémentaires, et a reconstruit la structure organisationnelle du Hezbollah ».

Selon le lieutenant-colonel Y, al-Tabtabai a gravi les échelons militaires du parti et occupé des rôles majeurs au sein du siège central.

Il a dirigé l’unité Radwan ainsi que d’autres unités chargées des liens entre le Hezbollah et les réseaux de l’axe en Iran, en Syrie, en Irak et au Yémen.

Le moment idéal

Selon le journal israélien, la Direction du renseignement militaire surveillait al-Tabtabai depuis de nombreuses années, mais il s’agissait d’une surveillance routinière, habituelle pour une figure aussi importante du Hezbollah.

La situation a changé lorsqu’il a été nommé chef d’état-major du parti. L’intérêt pour lui s’est alors accru.

Pendant la guerre, son rôle a évolué : il est apparu comme un commandant offensif privilégiant constamment l’usage de la force.

Le lieutenant-colonel Y précise : « Il a accédé à des postes qui ont renforcé son poids au sein du cercle décisionnel du Hezbollah. Avec sa nomination comme chef d’état-major, son prestige a progressivement augmenté jusqu’à devenir l’homme dont la voix comptait le plus. Il est devenu la cible numéro un sur le front militaire. Lorsque s’est présentée une occasion opérationnelle unique, nous avons recommandé de l’exploiter, en coordination avec les unités de recherche, d’opérations et l’armée de l’air ».

Signification de la mort d’al-Tabtabai

Le lieutenant-colonel Y explique que l’opération n’a pas seulement éliminé un commandant militaire du Hezbollah, mais aussi l’un de ses principaux centres d’information, impliqué profondément dans les attaques du Hezbollah contre Israël.

Il ajoute qu’al-Tabtabai se trouvait au cœur de l’activité militaire du Hezbollah, de son réarmement et de sa préparation à la prochaine guerre. « De notre point de vue, il n’y avait pas de moment plus opportun pour le neutraliser ».

Après chaque opération visant des dirigeants du Hezbollah, la division identifie les candidats potentiels pour leur succession, étudie leurs dossiers et formule des recommandations pour la direction politique. « Nous suivons depuis des années les éventuels successeurs de Nasrallah. Durant toute notre période de service, nous avons continuellement identifié les héritiers potentiels. Le but est toujours de déterminer qui constitue une menace et de faire pression pour neutraliser ceux qui représentent un danger ».

Comment Israël surveille-t-il les hériti ers potentiels ?

Depuis la mort d’al-Tabtabai, la division a déjà identifié plusieurs candidats potentiels au sein du Hezbollah susceptibles d’occuper le poste de chef d’état-major. Le lieutenant-colonel Y indique : « Nous voyons également la nécessité d’intensifier l’élimination de cibles susceptibles de violer l’accord de cessez-le-feu, de se renforcer et de pousser le Hezbollah vers des positions contraires à nos intérêts. Nous travaillons aussi sur le lendemain ».

Il explique que son département, chargé d’examiner la structure des forces du Hezbollah, suit les développements sur le front libanais depuis les années 1970 et 1980.
Durant des décennies, en temps de paix comme en guerre, la division a mené des recherches militaires sur le Hezbollah, sa structure, ses dirigeants et ses plans de construction et d’utilisation de sa force.

« Ce que nous faisons quotidiennement, c’est suivre le Hezbollah de bout en bout. Nous disposons aujourd’hui d’une grande capacité à dresser un tableau précis de sa direction, des personnes et des dynamiques internes ».

Le puzzle du million de pièces

L’objectif de la division, explique le lieutenant-colonel Y, « est de faire sentir à l’ennemi que l’armée israélienne est constamment présente ».

« Nous parvenons souvent à nous approcher suffisamment de la cible pour la neutraliser, et c’est exactement ce que nous voulons qu’ils ressentent. Le public n’entend parler de nous qu’en cas d’assassinat ou d’opération majeure, mais nous sommes engagés dans une course continue depuis 43 ans — depuis la fondation du Hezbollah jusqu’à aujourd’hui ».

Le plus grand défi, selon lui, est « de comprendre la logique du Hezbollah au cours des deux dernières années, sa volonté de prendre l’initiative par la force et de mener des opérations offensives, en plus de comprendre son rôle au sein de l’axe de la résistance et sa coordination avec d’autres acteurs — Palestiniens, Iraniens, Houthis, Irakiens, etc. ».

Il conclut en indiquant que des dizaines de membres de la division, soldats et officiers d’active ou de réserve, travaillent jour et nuit à rassembler « le million de pièces du puzzle formant le tableau du renseignement sur le Hezbollah — et c’est cela qui fait le succès ».

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