Doutes sur la dépendance et risques de financement du terrorisme : le Niger suspend l’activité d’organisations non gouvernementales
Les autorités militaires nigériennes observent avec une grande méfiance les activités des organisations non gouvernementales dans le pays.
Niamey a dépassé le stade du soupçon pour s’engager dans une approche plus ferme concernant la gestion des ONG locales et étrangères.
Le Niger a décidé de suspendre l’activité des organisations n’ayant pas publié leurs données financières de l’année 2024 dans le Journal officiel, leur accordant un délai de soixante jours pour régulariser leur situation juridique.
Les autorités de Niamey n’ont pas précisé le nombre d’ONG concernées par la suspension.
Bien que la décision soit présentée comme une mesure administrative, elle s’inscrit dans un contexte politique et sécuritaire plus large, reflétant une volonté croissante de redéfinir la relation entre l’État et les acteurs non étatiques, en la liant directement aux enjeux de souveraineté et de lutte contre le terrorisme.
Le journal français Le Monde indique que, depuis l’arrivée du Conseil militaire au pouvoir après le coup d’État de juillet 2023, le Niger adopte un discours souverainiste strict visant à réduire l’influence des partenaires occidentaux et à redéfinir les priorités en matière de sécurité nationale.
Dans ce contexte, les autorités se montrent de plus en plus suspicieuses à l’égard du rôle des ONG, estimant que certaines ne se limitent plus à leur mission humanitaire mais servent désormais de vecteurs d’influence politique ou de canaux indirects de financement de groupes armés.
Les déclarations des responsables du ministère de l’Intérieur affirment que la décision vise à renforcer la transparence et à contrôler les sources de financement. Toutefois, le discours officiel a dépassé le cadre technique pour inclure des accusations explicites à l’encontre de certaines organisations, soupçonnées de collusion avec des acteurs soutenant ce que l’État qualifie de terrorisme et de sabotage.
Assécher les sources de financement du terrorisme
La suspension est étroitement liée aux efforts visant à renforcer le contrôle sur les flux financiers, dans un contexte marqué par une hausse des attaques armées dans plusieurs régions du pays.
Les autorités estiment que certaines organisations pourraient constituer une faille permettant le transfert d’argent ou l’acheminement de soutien logistique sous
couvert d’aide humanitaire. Elles abordent donc ce dossier davantage sous un angle sécuritaire préventif que purement administratif, selon la radio française RFI.
Cette approche élargit la notion de sécurité nationale pour englober l’espace civil et les associations de la société civile, considérées comme des acteurs devant être soumis à un contrôle rigoureux conforme aux priorités de l’État dans une période jugée critique.
Rupture avec l’Occident
Cette décision s’inscrit également dans un contexte de rupture progressive avec la France et l’Occident de manière générale. Le Conseil militaire avait déjà mis fin à la présence militaire française et américaine, expulsé des ambassadeurs et réduit la coopération avec l’Union européenne, tout en se rapprochant de nouveaux partenaires comme la Russie et la Turquie.
Selon Le Monde, dans ce contexte, les ONG occidentales suscitent une méfiance supplémentaire, car elles sont perçues comme des prolongements indirects de l’influence de pays qui ne bénéficient plus de la confiance des autorités actuelles. Cela renforce l’idée que la décision ne vise pas seulement à réglementer le travail associatif, mais aussi à rééquilibrer les rapports de force dans le pays et à réduire la présence occidentale sous ses formes les plus subtiles.
La suspension des activités de centaines d’organisations soulève des interrogations sur l’avenir de l’aide humanitaire et du développement dans un pays très dépendant de l’assistance internationale. Certains craignent qu’une telle mesure ne crée un vide dans des secteurs vitaux comme la santé, l’éducation et les services de secours, notamment dans les zones les plus vulnérables.
En parallèle, les autorités parient sur le fait qu’un contrôle renforcé permettra de réorganiser le secteur associatif selon des critères nationaux stricts, de manière à l’aligner sur les politiques publiques et à limiter toute ingérence extérieure.
Le ministère de l’Intérieur du Niger a déclaré que cette décision s’inscrit dans des mesures visant à renforcer le contrôle, garantir la transparence et assurer le suivi des activités des organisations et structures de développement. Environ cent organisations seulement, sur plus de quatre mille, ont été autorisées à poursuivre leurs activités après s’être conformées aux nouvelles exigences, tandis que les autres ont été sommées de cesser immédiatement leurs opérations.
