Politique

Les États-Unis et le terrorisme au Mali : l’épreuve décisive


À l’heure où grandissent les craintes de voir les groupes terroristes progresser vers la capitale Bamako, les États-Unis doivent déterminer leur prochaine démarche au Mali.

Depuis septembre dernier, le groupe « Nusrat al-Islam », affilié à Al-Qaïda, mène une guerre économique intense contre la junte malienne, en assiégeant les approvisionnements en carburant, ce qui a profondément perturbé la vie quotidienne à Bamako.

Selon le site Responsible Statecraft, les habitants de la capitale font la queue pendant des heures pour obtenir de l’essence, tandis que les puissances occidentales exhortent leurs ressortissants à quitter la ville.

Scénarios possibles
Certains médias locaux estiment que la capitale, voire le pays entier, pourrait bientôt tomber sous le contrôle des terroristes.

Le site évoque plusieurs scénarios susceptibles de permettre une prise de pouvoir. Le groupe pourrait attendre un moment de faiblesse extrême pour marcher sur la capitale, dans l’espoir que des habitants désespérés acceptent, voire accueillent, son autorité comme une alternative à la junte au pouvoir depuis 2020.

Il pourrait aussi opter pour une stratégie plus longue : étouffer la capitale jusqu’à provoquer un coup d’État interne, une fragmentation de l’armée en factions rivales, une insurrection populaire, ou la transformation de Bamako en ensemble de milices.

Le groupe pourrait également estimer que son accès au pouvoir n’est pas une question de semaines, mais de mois ou d’années.

Cependant, rien n’indique clairement que cette faction soit en mesure de gouverner Bamako ou qu’elle s’y maintiendrait. Le chercheur Boubacar Haïdara et d’autres analystes rappellent que de simples calculs démographiques rendent la conquête improbable.

D’après Haïdara, avec une force totale estimée à 6 000 combattants, le groupe aurait beaucoup de mal à capturer et à contrôler une ville de plus de trois millions d’habitants, même s’il concentrait toutes ses forces, aujourd’hui dispersées dans plusieurs pays, en un seul point.

Le chercheur s’interroge également : pourquoi le groupe ignorerait-il des étapes intermédiaires, telles que la prise de centres administratifs régionaux dans les zones où il dispose déjà d’un fort ancrage, pour cibler directement la capitale ?

Les organisations précédant ce groupe avaient pris le contrôle de plusieurs villes du nord du Mali en 2012 et 2013, avant d’être chassées par une intervention militaire française. Depuis, les organisations terroristes du Sahel évitent de s’emparer ouvertement des grandes villes.

Même d’autres mouvements rebelles ayant conquis des capitales disposaient de moyens humains bien plus importants, comme la coalition Seleka en République centrafricaine en 2013, qui comptait plus de 20 000 combattants et avait progressé régulièrement avant de prendre Bangui.

Un autre scénario envisageable serait la poursuite de la dégradation sécuritaire et économique sans effondrement de l’État central à court terme, comme ce fut le cas

en Centrafrique en 2013, en Somalie en 1991 ou en Afghanistan en 1992.

Un système qui tient encore
Le Mali, sous pouvoir militaire, demeure structurellement affaibli, mais ses institutions continuent de fonctionner dans une certaine mesure. Certaines composantes de l’appareil étatique restent actives.

Le centre de décision militaire à Bamako n’est pas totalement coupé du reste du pays, comme l’ont montré les récentes frappes aériennes contre des groupes terroristes dans la région de Tombouctou, loin de la capitale.

Le groupe « Nusrat al-Islam » a certes réussi à perturber certaines lignes logistiques et à forcer l’armée à abandonner certains postes, mais l’État détient encore des atouts : le contrôle officiel des villes et des capacités aériennes.

La junte conserve également un certain capital de popularité, notamment à Bamako, grâce aux médias publics ou proches du pouvoir, qui diffusent un discours favorable au gouvernement.

Les puissances occidentales évaluent leurs options, mais restent prises entre plusieurs contraintes. L’ombre de la « guerre contre le terrorisme » plane toujours, et la perspective de voir le Mali tomber sous la domination d’Al-Qaïda demeure une source majeure d’inquiétude.

Pourtant, les échecs de cette même guerre sont visibles : dans le Sahel, les forces françaises ont été expulsées de plusieurs pays, dont le Mali, après leur incapacité à enrayer le terrorisme qui encercle aujourd’hui Bamako.

Entre attente et prudence
Parallèlement, la volonté occidentale d’intervenir militairement – en particulier avec des troupes au sol – reste très faible. La junte de Bamako n’accepterait d’ailleurs pas des forces américaines, françaises ou européennes.

Washington pourrait tenter de relancer la coopération sécuritaire avec le Mali. Ces derniers mois, l’administration du président américain Donald Trump a montré un certain intérêt pour un partenariat contractuel avec la junte, qui manque cruellement d’équipement militaire – un besoin que Washington pourrait exploiter.

Étant donné l’incertitude concernant les intentions et le calendrier du groupe, et face à l’inutilité probable d’une intervention militaire directe, une stratégie d’attente et de surveillance semble la plus raisonnable sur le plan politique et militaire. Soutenir ouvertement le régime risquerait d’entraîner les États-Unis dans un conflit complexe – la même erreur commise par la France auparavant.

Si Washington souhaite réellement aider, la solution la plus utile serait probablement d’augmenter l’aide humanitaire destinée aux millions de déplacés, de personnes affamées, d’enfants déscolarisés et de chômeurs du Sahel.

Cela contredit toutefois l’approche de Trump. Néanmoins, les États-Unis sont bien mieux placés pour atténuer la souffrance humaine que pour décider de l’avenir politique du Mali.

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