Politique

Les menaces d’Al-Qaïda contre le Mali : un séisme géopolitique qui menace le Sahel africain


La scène politique malienne approche d’un tournant décisif, alors que le blocus imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, la branche d’Al-Qaïda, sur la capitale Bamako, se transforme en une menace directe pour la survie de l’État.

Des experts politiques ont mis en garde contre le scénario d’une chute du conseil militaire au Mali, estimant qu’il constituerait un point d’inflexion géostratégique pour l’ensemble de la région du Sahel.

Alors que le conseil militaire continue de faire face à un déficit croissant de soutien régional et international, les développements rapides soulèvent une question fondamentale : que se passerait-il si Bamako venait à tomber ? Pour les spécialistes, cette interrogation n’est plus théorique, mais relève désormais d’un futur proche et plausible.

Désintégration du pouvoir central

Dans ce contexte, l’expert malien Amadou Albert Maïga estime que l’échec du soutien régional et international révèle une « fragilité structurelle » de la position du conseil militaire, ouvrant la voie à une désagrégation du pouvoir central au profit des groupes armés.

Il confirme que les pays voisins — le Niger et le Burkina Faso — ne disposent d’aucune option concrète pour intervenir en faveur de Bamako, bien qu’ils partagent avec le Mali un partenariat sécuritaire. Cette absence de réaction extérieure transforme progressivement la capitale en un « vide de puissance » susceptible d’être comblé par des organisations telles que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans.

Mutation géostratégique

Le chercheur français Olivier Baumann va plus loin, avertissant que la chute de la capitale représenterait une « victoire symbolique et territoriale » pour les groupes terroristes, marquant le début d’une phase plus violente du conflit.

Il affirme que la perte de Bamako ne constituerait pas un événement local, mais un tournant stratégique pour l’ensemble du Sahel, redéfinissant la géographie sécuritaire et favorisant l’émergence de « micro-États d’influence » dans le sud et l’ouest du Mali.

Baumann estime que l’expansion du contrôle des groupes armés renforcerait leur capacité de négociation à l’échelle régionale, contraignant les États voisins à revoir

leurs alliances et, éventuellement, à s’aligner sur des projets locaux au détriment d’un État central fragilisé.

Une menace transfrontalière

Il met également en garde contre la transformation du Mali en plateforme de lancement d’attaques contre les pays limitrophes en cas de chute de la capitale.

Avec l’intensification des activités du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans dans le sud du pays, l’effondrement de Bamako exercerait automatiquement une pression sécuritaire accrue sur le Niger et le Burkina Faso, les poussant à adopter des politiques plus strictes ou à reconfigurer profondément leurs alliances régionales.

Du blocus à l’effondrement possible

La situation sur le terrain accentue ces inquiétudes. Les deux derniers mois ont été marqués par un blocus sévère imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans dans le sud du Mali, y compris autour de la capitale.

Cette organisation liée à Al-Qaïda contrôle désormais des leviers économiques et sécuritaires dans des zones stratégiques et exerce une pression militaire directe sur le conseil militaire. Dans les cercles décisionnels, la question n’est plus de savoir « si » Bamako va tomber, mais « quand ».

Selon des sources bien informées, la poursuite de la détérioration dépend de l’absence persistante d’un soutien extérieur efficace, qu’il provienne des pays du Sahel ou du partenaire attendu, la Russie, dont la capacité d’intervention est limitée par son engagement en Ukraine.

Absence d’un plan international alternatif

Caroline Rossi, analyste française des affaires africaines, affirme que le manque de soutien international sérieux au conseil militaire révèle que la communauté internationale ne dispose d’aucun plan alternatif pour stabiliser le Mali.

Elle souligne que la chute de Bamako ne mènera pas à une transition démocratique, mais accélérerait plutôt une « phase de partage des zones d’influence » entre groupes armés, avec la possibilité d’une fragmentation du territoire en entités échappant au contrôle de l’État central.

Rossi estime que les organisations terroristes continueront de faire pression pour s’emparer de secteurs clés de l’État, favorisant l’émergence d’un « État parallèle » ou d’un modèle décentralisé éclaté, difficile à reconsolider.

Réorganisation des alliances sahéliennes

Elle indique que l’alliance des pays du Sahel pourrait se reconfigurer face aux menaces, mais cela dépendra de la volonté du Niger et du Burkina Faso de prendre le risque d’apporter un soutien militaire ou logistique au conseil militaire malien.

Quant aux puissances occidentales, ou à la Russie vers laquelle se tourne le conseil militaire, même si un soutien venait à se concrétiser, il resterait limité en raison des crises mondiales et des tensions géopolitiques.

Les pires scénarios

Dans le scénario le plus sombre, Rossi estime que le sud du Mali pourrait basculer dans une confrontation ouverte entre groupes armés et forces militaires, entraînant des déplacements internes massifs et un effritement supplémentaire de l’État.

Un tel effondrement ferait du Mali un maillon faible régional, menaçant la sécurité de toute l’Afrique de l’Ouest et ouvrant la voie à un conflit long et difficile à contenir sans une intervention internationale claire.

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