Santé

Le déodorant provoque-t-il le cancer ? Démystification scientifique d’un mythe persistant


Depuis plusieurs années, la question de savoir si les déodorants ou les antisudorifiques peuvent provoquer le cancer – en particulier le cancer du sein – suscite une vive controverse. Cette inquiétude est née d’une série de théories relayées par les médias et amplifiées par les réseaux sociaux, accusant certains composants chimiques d’être cancérigènes. Mais qu’en dit réellement la science ? Cet article propose une analyse approfondie des données disponibles afin de distinguer les faits des croyances infondées.

Les ingrédients mis en cause : sels d’aluminium et parabènes

Les antisudorifiques contiennent généralement des sels d’aluminium, tels que le chlorhydrate d’aluminium, qui agissent en obstruant temporairement les glandes sudoripares pour réduire la transpiration. Ces composés ont été soupçonnés d’avoir une activité semblable à celle des œstrogènes, des hormones féminines impliquées dans le développement du cancer du sein. Cette hypothèse repose sur le fait que la plupart des cas de cancer du sein apparaissent dans la partie supérieure externe du sein, proche de l’aisselle.

Cependant, les études scientifiques menées depuis plus de deux décennies n’ont trouvé aucune preuve solide établissant un lien de causalité entre l’utilisation de déodorants contenant de l’aluminium et le développement du cancer. Les concentrations d’aluminium absorbées par la peau sont extrêmement faibles et bien inférieures aux seuils considérés comme dangereux.

Les parabènes, quant à eux, sont des conservateurs utilisés pour prévenir la prolifération bactérienne dans les cosmétiques. Bien que certains parabènes puissent imiter faiblement les effets des œstrogènes, leur concentration dans les produits d’hygiène est jugée trop faible pour avoir un impact biologique significatif. De plus, de nombreuses marques ont supprimé les parabènes de leurs formules, sans que l’on observe de baisse de l’incidence du cancer du sein.

Les données scientifiques et les avis des autorités sanitaires

Des organismes comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le National Cancer Institute (NCI) et la Société canadienne du cancer ont examiné les preuves disponibles. Tous concluent qu’il n’existe aucun lien démontré entre l’usage des déodorants/antisudorifiques et le cancer. Les études épidémiologiques portant sur de larges populations ne montrent pas de différence de risque entre les personnes qui utilisent régulièrement ces produits et celles qui ne les utilisent pas.

Une étude publiée dans le Journal of the National Cancer Institute a analysé les habitudes d’hygiène de plusieurs milliers de femmes atteintes ou non d’un cancer du sein. Résultat : aucune corrélation statistiquement significative n’a été observée entre la fréquence d’utilisation des déodorants et la survenue du cancer.

Le rôle des rumeurs et des facteurs de confusion

L’origine de cette crainte remonte aux années 1990, à une chaîne de courriels virale prétendant que les déodorants bloquaient l’élimination des toxines, lesquelles s’accumuleraient alors dans les tissus mammaires. Cette affirmation, dépourvue de fondement biologique, a largement circulé avant l’essor des réseaux sociaux. En réalité, la transpiration n’a qu’un rôle minime dans l’élimination des toxines : ce sont le foie et les reins qui assurent cette fonction.

Les véritables facteurs de risque du cancer du sein sont bien identifiés : prédispositions génétiques (mutations BRCA1 et BRCA2), âge, déséquilibres hormonaux, obésité, consommation d’alcool, tabac et exposition prolongée aux hormones. Aucun d’entre eux n’a de rapport direct avec l’usage du déodorant.

Précautions et choix de produits sûrs

Même si le lien avec le cancer n’est pas établi, certaines personnes préfèrent limiter leur exposition à certaines substances par précaution. Il existe aujourd’hui une large gamme de déodorants sans sels d’aluminium, sans parabènes, ni parfums synthétiques. Les formules à base de bicarbonate de soude, d’oxyde de magnésium ou d’ingrédients naturels (comme la pierre d’alun naturelle, qui diffère chimiquement des sels d’aluminium industriels) offrent des alternatives efficaces.

Il est également conseillé d’éviter l’application immédiate de déodorant après le rasage, lorsque la peau est irritée, pour réduire tout risque d’irritation cutanée ou d’absorption accrue de composés chimiques.

À la lumière des données actuelles, aucune preuve scientifique ne démontre que les déodorants ou les antisudorifiques provoquent le cancer. Les inquiétudes sont largement fondées sur des spéculations et une mauvaise compréhension du rôle des composants chimiques. Néanmoins, le choix d’un produit plus naturel ou hypoallergénique reste une décision personnelle, relevant davantage du confort et de la sensibilité cutanée que d’un impératif de santé publique.

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