La contamination par la Covid-19 pendant la grossesse pourrait accroître le risque d’autisme chez l’enfant : une alerte scientifique à nuancer
Depuis le début de la pandémie, la communauté scientifique s’est interrogée sur les effets de l’infection par le SARS-CoV-2 sur le développement du fœtus. Si les premières recherches se concentrent sur les complications obstétricales immédiates, de nouvelles études suggèrent aujourd’hui une hypothèse plus préoccupante : contracter la Covid-19 pendant la grossesse pourrait augmenter le risque de troubles du spectre autistique (TSA) chez l’enfant. Cette corrélation, bien que sujette à prudence, attire l’attention sur l’interaction complexe entre les infections maternelles, l’inflammation et le développement neurologique du fœtus.
Des chercheurs américains, dont les travaux ont été publiés récemment dans la revue JAMA Network Open, ont analysé les données de plus de 60 000 femmes enceintes suivies entre 2020 et 2023. Parmi elles, environ 5 000 avaient contracté la Covid-19 pendant la grossesse. Le suivi des enfants sur une période de deux à trois ans a montré que le risque de diagnostic de TSA était légèrement plus élevé dans le groupe exposé au virus. Les chercheurs notent toutefois que ce risque reste relatif et ne doit pas être interprété comme une causalité directe.
L’une des hypothèses majeures avancées par les scientifiques concerne la réaction inflammatoire provoquée par le virus. Lorsqu’une femme enceinte est infectée, son système immunitaire libère des cytokines – des molécules impliquées dans la réponse inflammatoire – qui peuvent, dans certains cas, traverser la barrière placentaire. Cette inflammation fœtale pourrait perturber le développement du cerveau, notamment au niveau des connexions neuronales et des circuits impliqués dans la communication sociale et le comportement.
Ce phénomène n’est pas propre à la Covid-19. Des études antérieures avaient déjà montré que certaines infections virales ou bactériennes pendant la grossesse, comme la grippe ou la rubéole, étaient associées à un risque accru de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant. La nouveauté ici réside dans la nature du SARS-CoV-2, dont l’impact global sur l’organisme maternel, combiné au stress psychologique lié à la pandémie, pourrait créer un terrain plus propice à ces effets.
Les chercheurs précisent également que le moment de l’infection joue un rôle clé. Les contaminations survenant durant le premier ou le deuxième trimestre semblent présenter un risque plus élevé, car c’est à ces stades que le cerveau du fœtus connaît une croissance rapide et une organisation structurale complexe. En revanche, une infection survenant en fin de grossesse aurait des effets moindres sur le développement neurologique, bien qu’elle puisse entraîner d’autres complications, comme une naissance prématurée.
Cependant, les spécialistes insistent sur la nécessité d’interpréter ces résultats avec prudence. Le Dr Elizabeth Thorne, neurobiologiste à l’Université de Californie, rappelle que « la corrélation ne signifie pas causalité » et que de nombreux facteurs peuvent influencer le risque d’autisme : génétiques, environnementaux, nutritionnels ou psychosociaux. De plus, la plupart des enfants nés de mères ayant contracté la Covid-19 pendant leur grossesse présentent un développement parfaitement normal.
Les chercheurs soulignent également que la vaccination maternelle pourrait réduire les risques associés. Plusieurs études ont montré que les femmes enceintes vaccinées contre la Covid-19 présentaient non seulement une protection accrue contre les formes graves de la maladie, mais aussi une diminution de la réponse inflammatoire systémique. Ce facteur pourrait indirectement protéger le fœtus contre d’éventuelles perturbations du développement neurologique.
L’aspect psychologique n’est pas à négliger non plus. La grossesse durant une période de pandémie mondiale a entraîné un stress considérable pour de nombreuses femmes, et ce stress prénatal est reconnu comme un facteur pouvant influencer la maturation cérébrale du fœtus. Ainsi, il serait réducteur d’attribuer un éventuel sur-risque d’autisme uniquement à l’infection virale sans prendre en compte le contexte global dans lequel la grossesse s’est déroulée.
Les auteurs de l’étude appellent donc à poursuivre les recherches longitudinales, notamment sur des cohortes plus vastes et sur une durée d’observation plus longue. Comprendre les interactions entre inflammation maternelle, immunité fœtale et développement cérébral pourrait permettre à terme d’identifier des stratégies de prévention ciblées, non seulement pour la Covid-19, mais pour l’ensemble des infections périnatales.
En conclusion, si les données actuelles suggèrent un lien possible entre l’infection par la Covid-19 pendant la grossesse et un risque accru – quoique faible – d’autisme chez l’enfant, ce lien reste à confirmer. Les futures recherches devront déterminer s’il s’agit d’un effet direct du virus, d’une conséquence de l’inflammation maternelle ou d’un ensemble de facteurs combinés. Ce débat souligne une fois de plus l’importance d’un suivi médical attentif pendant la grossesse, ainsi que la nécessité de la vaccination et de la prévention des infections respiratoires chez les femmes enceintes.
