Politique

Pressions en Irlande et en Autriche : que manque-t-il encore à la lutte contre les Frères musulmans en Europe ?


De l’Autriche à l’Irlande, en passant par la France, les appels et les initiatives visant à combattre les Frères musulmans se multiplient en Europe, à mesure que ces pays prennent davantage conscience de la menace que représente ce mouvement.

Dernièrement, la pression s’intensifie sur le gouvernement autrichien afin qu’il prenne la décision d’interdire l’islam politique, incluant les Frères musulmans, à la suite de développements jugés inquiétants.

Quelques jours après la révélation de l’existence d’un espion affilié aux Frères musulmans au sein même des services de renseignement intérieur, la porte-parole du Parti de la liberté d’Autriche — la principale formation politique du pays — et députée au Parlement, Ricarda Berger, a déclaré : « Interdire l’islam politique et le port du voile dans les écoles est aujourd’hui une nécessité. »

Hier, le gouvernement autrichien a lancé la première étape de son plan pour contrer l’influence de l’islam politique, en mettant en œuvre des mesures visant à interdire le port du voile pour les enfants.

Depuis novembre 2020, le parquet de la ville de Graz mène une enquête sur les Frères musulmans pour des accusations de financement du terrorisme, de propagation de l’extrémisme et d’incitation à la haine.

L’Autriche interdit par ailleurs, depuis 2019, les symboles des organisations de l’islam politique, notamment ceux des Frères musulmans et du Hezbollah.

Pressions en Irlande

En Irlande, une sénatrice influente a exhorté le gouvernement à ouvrir une enquête sur la présence des Frères musulmans dans le pays.

La sénatrice indépendante Sharon Keogan a déclaré que « l’influence des Frères musulmans s’est étendue et reste ignorée par le gouvernement irlandais ».

Ses propos interviennent quelques mois après la fermeture du Centre culturel islamique de Clonskeagh — la plus grande mosquée de Dublin — en avril dernier, en raison de soupçons de liens entre certains de ses responsables et des courants salafistes radicaux, ainsi que d’irrégularités financières internes.

En France, les autorités ont décidé, en juin dernier, de dissoudre l’Institut européen des sciences humaines (IESH), considéré comme le plus ancien centre de formation d’imams dans le pays, en raison de « ses liens avec les Frères musulmans ».

Cette décision a suivi la publication d’un rapport des services de sécurité sur les activités du mouvement en France et sur les menaces qu’il représente pour la sécurité et la cohésion nationale.

Plan d’action

En Allemagne, l’opposition, notamment le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), presse le gouvernement de mettre en place une stratégie nationale pour contrer les Frères musulmans. Des sources gouvernementales indiquent que Berlin prépare actuellement un plan d’action en ce sens.

Malgré ces initiatives, plusieurs experts et chercheurs spécialisés dans les mouvements extrémistes estiment que le chemin reste long pour les pays européens, confrontés à une influence frériste qui s’est consolidée au fil des décennies.

Selon une étude récente menée par la chercheuse autrichienne Nina Schultz, la lutte contre les Frères musulmans en Europe nécessite :

  • De cesser tout financement public des organisations affiliées aux Frères musulmans ou à d’autres mouvements islamistes, à tous les niveaux (local, national et européen). 
  • D’interrompre la coopération entre les institutions publiques et les entités islamistes, ainsi que les visites officielles de responsables politiques dans des mosquées surveillées pour leurs liens avec le mouvement. 
  • D’imposer une transparence totale aux associations, notamment sur la structure et les sources de leur financement. 
  • De créer des programmes universitaires, centres de recherche et bases de données dédiés à l’étude de l’islamisme, à l’image de ce qui existe pour d’autres formes d’extrémisme. 
  • D’empêcher l’infiltration des partis politiques par des acteurs islamistes et de protéger la volonté démocratique des partis contre l’influence des réseaux fréristes. 

Une mobilisation européenne nécessaire

L’experte allemande Sigrid Herrmann a, pour sa part, déclaré : « Si les Frères musulmans étaient désignés comme organisation terroriste à l’échelle de l’Union européenne, tous les États membres pourraient s’appuyer sur cette base juridique. »

Cependant, elle souligne plusieurs obstacles à cette désignation, notamment « l’absence de consensus sur la manière d’aborder légalement les organisations qui opèrent en Europe sous une apparence légale ».

Herrmann ajoute : « Dans certains pays, comme l’Irlande ou la France, il est plus facile d’interdire des institutions liées aux Frères musulmans qu’en Allemagne, par exemple. »

Elle poursuit : « Le Royaume-Uni et l’Allemagne demeurent des refuges alternatifs où les Frères musulmans ont pu bâtir leurs structures sans entraves et peuvent continuer à le faire à court terme. »

Et de conclure : « En Allemagne, les responsables politiques traitent différemment les Frères musulmans d’origine syrienne ou bosniaque et ceux d’origine égyptienne. Les premiers sont considérés comme des partenaires de dialogue institutionnel, tandis que les seconds ne collaborent qu’à un niveau local et de manière discrète. C’est pourquoi, selon moi, cette initiative doit venir du niveau européen. L’Europe a avant tout besoin d’une véritable volonté politique pour s’opposer aux Frères musulmans — or, je ne la vois pas encore. »

 

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