Grand Maghreb

Les Frères musulmans en Libye… de la division interne à la défaite électorale


La chute des Frères musulmans lors des dernières élections municipales en Libye n’a pas tant constitué une surprise qu’un révélateur d’une réalité qui s’accumule depuis des années. Le mouvement, qui s’était présenté depuis 2011 comme « la force la mieux organisée », se retrouve aujourd’hui incapable de mobiliser la rue, ni même de préserver ce qui restait de sa présence politique, après que les électeurs de Tripoli, Zliten et d’autres bastions de l’ouest l’ont délaissé au profit de listes civiles portant des slogans pragmatiques, centrés sur les services et les préoccupations populaires, loin de la polarisation idéologique.

L’exemple le plus manifeste de ce déclin est survenu à Zliten, où les candidats de la liste Al-Risala (proche des Frères musulmans) ont été battus par la liste indépendante Al-Basma. Ce résultat n’est pas une simple défaite électorale de circonstance, mais la preuve que le mouvement a même perdu ce « réservoir social » sur lequel il comptait, selon le journal Asharq Al-Awsat.

L’activiste libyen Oussama al-Chhoumi a décrit la scène en des termes clairs :« L’électeur libyen, cette fois, n’a pas prêté attention au discours religieux ni aux slogans éculés. Il s’est tourné vers les listes civiles qui parlaient de services et de réformes. Le message est limpide : la population veut que l’on rétablisse l’électricité, que l’on répare les routes, que l’on assure la sécurité. Elle ne veut pas être entraînée dans le passé ni dans les conflits idéologiques. »

Al-Chhoumi a également souligné que cette défaite n’est pas seulement électorale, mais le signe d’un recul majeur en popularité, et que l’électeur libyen adresse un avertissement précoce aux Frères musulmans : l’avenir ne leur appartient pas.

L’analyste politique Hussein al-Masallati est allé encore plus loin, estimant que cet épisode s’inscrit dans une longue série d’échecs des Frères musulmans face aux urnes depuis 2011.

Il a déclaré : « Les courants religieux, au premier rang desquels les Frères musulmans, n’ont jamais disposé d’une base populaire écrasante. Ce qui s’est produit lors des élections de 2012 fut une exception due au mode de scrutin proportionnel et à l’organisation, et non le reflet d’une réelle force sur le terrain. »

Et d’ajouter : « Aujourd’hui, l’électeur libyen est devenu plus conscient et plus affranchi de la propagande religieuse qui l’abusait autrefois. C’est pourquoi je m’attends à ce que ce scénario se répète lors de toute élection législative ou présidentielle à venir. Les Libyens n’accorderont leurs voix qu’à ceux qui leur offriront sécurité, développement et reconstruction, non à ceux qui sèment la division et l’immobilisme. »

Ce revers électoral s’est accompagné d’une crise structurelle interne au sein même du mouvement, après la scission du Parti Justice et Construction (sa branche politique) il y a quatre ans. Son président, Mohamed Sowan, avait alors fait dissidence pour fonder le Parti démocratique. De leur côté, les Frères musulmans ont tenté de contourner l’interdiction adoptée par le Parlement en 2019 en se rebaptisant « Association de la renaissance et du renouveau ». Mais ces manœuvres n’ont pas changé la réalité : les Frères musulmans en Libye vivent désormais en marge, et la société libyenne les considère de plus en plus comme un vestige du passé.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page