Anas Faisal… Quand la nouvelle génération des Frères musulmans tombe dans une vieille bataille

La mort d’Anas Faisal lors des combats à « Umm Siyala » ne fut pas un simple incident militaire sur un champ de bataille. Elle constitue un tournant marquant illustrant l’impasse dans laquelle s’engouffre le mouvement islamique soudanais, en quête de résurrection au cœur des décombres d’un État ravagé par le conflit et l’effondrement.
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Anas, issu de la famille d’Ali Karti, n’était pas un inconnu. Il incarnait l’espoir du courant islamiste d’un « après-révolution ». Une génération nourrie par l’idéologie du « tamhid » (empowerment), élevée dans le récit victimaire, puis précipitée sur les lignes de front sous le slogan de « soutien à l’armée et à l’État ». Mais l’objectif réel était clair : récupérer, à tout prix, une influence perdue.
Or, Anas est tombé. Non seulement sous les balles, mais avec l’illusion d’un projet qui refuse encore de reconnaître sa chute majeure en décembre 2018. Il est tombé comme un symbole d’une jeunesse enrôlée au nom de la religion, armée au nom de la patrie, mais utilisée comme simple outil dans une guerre qui ne sert ni le peuple, ni la nation, et ne fait que reconduire les logiques destructrices du passé.
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Les Frères et une guerre par procuration
Depuis le début de la guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide, il est évident que les Frères musulmans — dans leurs volets politique et militaire — cherchent à exploiter la crise pour réintégrer les institutions de l’État. Anas Faisal a été l’un des premiers visages projetés dans cette stratégie. Sa mort, involontairement, a mis en lumière ce projet qui continue de sacrifier ses partisans dans un conflit où il n’y aura aucun vainqueur.
Ce qui rend ce tableau encore plus amer, c’est que le mouvement islamique persiste à considérer sa jeunesse comme une simple ressource humaine dans une bataille de pouvoir, dénuée de vision. Jamais il ne s’est interrogé sur le sens du combat ni sur les raisons de mourir. Il continue de croire, à tort, que le temps n’a pas changé, et que le discours du « retour au pouvoir » séduit encore ceux de l’âge d’Anas.
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Une génération qui mérite la vie, pas les tranchées
En vérité, malgré nos divergences profondes avec son projet, Anas Faisal méritait de vivre. Il aurait pu devenir médecin, ingénieur, penseur, poser des questions au lieu de tirer. Mais il s’est retrouvé dans un courant qui ne sait que glorifier la mort, jamais la vie. Et à chaque nouvelle perte, on crie « Allahu Akbar », puis vient le silence des tombes. Le pays, lui, reste captif d’esprits figés, réfractaires à toute remise en question.
La mort d’Anas n’est donc pas une simple perte pour les Frères musulmans ; c’est une perte pour le Soudan entier. Chaque jeune tué dans cette guerre — quel que soit son camp — est victime d’un système idéologique obsolète, refusant de céder la place.
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Anas Faisal est mort, oui. Mais la véritable question demeure : combien d’autres « Anas » devront encore mourir avant que le mouvement islamique comprenne que l’avenir des jeunes se trouve dans la construction, non dans les tranchées ? Et combien de temps faudra-t-il avant que chacun comprenne que le Soudan ne se reconstruira pas sur les ruines des illusions passées, mais sur les bases d’un pays neuf, sans milices ni nostalgie d’un pouvoir révolu ?