Lutte de pouvoir et d’influence : des conflits secouent les alliances de l’armée soudanaise

Derrière le rideau de la guerre, des tensions internes traversent les alliances de l’armée soudanaise, certaines d’ordre matériel, d’autres liées aux rivalités régionales.
Une source soudanaise à Port-Soudan a révélé la nature des tensions opposant le Premier ministre récemment nommé par l’armée à des acteurs clés des forces alliées, au sujet de la composition gouvernementale imminente attendue à Port-Soudan.
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La source a indiqué que le Premier ministre, Kamel Idriss, fait face à un défi majeur dans la formation du nouveau gouvernement, à travers lequel les dirigeants de l’armée souhaitent redessiner la carte de leurs alliances, notamment avec les forces ayant signé l’accord de paix de Juba en octobre 2020.
Les mouvements de libération du Soudan, dirigé par Minni Minnawi, et de justice et égalité, dirigé par Jibril Ibrahim, ont exprimé leur attachement aux postes exécutifs qu’ils occupaient dans le gouvernement de transition, conformément aux engagements pris dans l’accord de Juba.
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Ces deux mouvements refusent de renoncer à ces droits, tandis que Kamel Idriss tente d’appliquer les instructions de la direction militaire, en opérant des changements profonds au sein du gouvernement, y compris dans les ministères occupés par les anciens signataires de l’accord de paix.
Le ministère des Finances est actuellement dirigé par Jibril Ibrahim, depuis l’ère du Premier ministre Abdallah Hamdok, avant le coup d’État militaire d’octobre 2021. Le ministère des Mines est, quant à lui, contrôlé par le mouvement de Minnawi, représenté par Mohamed Bachir Abou Namou, tandis que Minnawi est gouverneur du Darfour.
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Querelle autour des finances et des mines
La source a confié que l’armée subit de fortes pressions de la part de figures influentes du courant islamiste soudanais et de certains alliés, pour reprendre le contrôle des ministères des Finances et des Mines, dans le but d’exercer une emprise totale sur les ressources économiques.
Ces deux portefeuilles devraient ainsi passer sous le contrôle direct de l’armée, par l’intermédiaire de civils choisis en concertation avec Kamel Idriss.
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La source explique ce choix par l’aggravation de la crise économique liée à la guerre, à un moment où l’autorité de Port-Soudan peine à faire fonctionner les institutions de l’État et à financer la poursuite de la guerre, alors que de nombreuses ressources naturelles sont hors de portée.
L’économie repose désormais essentiellement sur l’or, ce qui confère à Jibril et Minnawi un pouvoir considérable sur les décisions politiques et économiques à Port-Soudan.
Des composantes tribales soutenant l’armée dans l’Est, le Centre et le Nord du pays rejettent cette mainmise sur les deux ministères, surtout dans le contexte actuel où la guerre a vidé l’accord de Juba de sa substance.
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Conflits régionaux
La source ajoute que l’arrivée du commandant de la Force Bouclier du Soudan, Abou Aqla Kikel, dans les rangs de l’armée, après sa rupture avec les Forces de soutien rapide (FSR), a modifié les équilibres internes. Il aurait bénéficié d’un traitement préférentiel de la part du général Abdel Fattah al-Burhan, surtout après la reprise de l’État d’Al-Jazira en janvier 2025.
Des massacres auraient été perpétrés à Kombo Tayba, dans la région, visant les habitants des « kanabi », pour la plupart originaires du Darfour, accusés de collaborer avec les FSR. Les soupçons se portent sur la force de Kikel, bien qu’il ait nié toute implication.
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En réaction, les mouvements de Jibril et Minnawi ont exprimé leur solidarité avec les victimes et leur volonté de les protéger contre toute forme de purification ethnique.
La méfiance entre Kikel et les forces alliées perdure. D’ailleurs, selon la source, Minnawi aurait quitté une réunion présidée par Kamel Idriss dès qu’il a aperçu Kikel dans la salle.
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Certains signataires de l’accord de Juba, notamment les représentants du Centre, du Nord et de l’Est du Soudan, ainsi que les forces de Kikel, ont commencé à critiquer les revendications de Jibril et Minnawi. Selon la source, ces critiques seraient aussi d’origine régionale, en raison des nouvelles dynamiques nées de la guerre.
Mardi, le Mouvement pour la justice et l’égalité, dirigé par Jibril Ibrahim, a réaffirmé son attachement à l’accord de Juba, y compris aux postes ministériels qu’il confère.
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