Grand Maghreb

44 ans de chaos : Les Frères musulmans de Tunisie entre passé sanglant et scénario de fin


Aujourd’hui marque le 44e anniversaire de la fondation du mouvement Ennahdha, branche politique des Frères musulmans en Tunisie — une commémoration lourde de controverses, rappelant un passé entaché de violences, de tentatives de coup d’État et de poursuites judiciaires. Depuis sa création officielle le 6 juin 1981, le mouvement n’a cessé de comploter contre l’État, ce qui l’a ramené à plusieurs reprises derrière les barreaux.

Le parcours d’Ennahdha a traversé des étapes qualifiées de « piégées ». Elle commence en 1969 comme une invitation religieuse clandestine fondée par Ghannouchi, Mourou et Nefir, avant de devenir une organisation politique officielle sous le nom d’« Orientation islamique » en 1981, pour ensuite replonger dans la clandestinité sous la pression des autorités. Les épisodes critiques se sont succédé : 1987, 1991, jusqu’à 2023, marqués par des complots de coup d’État, des attentats, et des liens avec des réseaux terroristes.

Les premières figures du mouvement ont connu la prison très tôt. Rached Ghannouchi et Abdelfattah Mourou ont été jugés dans les années 1980 pour des accusations liées au terrorisme. À chaque amnistie ou compromis politique, le mouvement refaisait surface, profitant des ouvertures pour s’infiltrer dans l’appareil d’État — jusqu’à son arrivée au pouvoir après 2011, période durant laquelle, selon plusieurs analystes, l’État a été traité comme un butin.

Aujourd’hui, alors que la branche tunisienne des Frères musulmans célèbre son anniversaire, ses dirigeants sont derrière les barreaux. Rached Ghannouchi, président du mouvement, est emprisonné pour des accusations de terrorisme et de complot contre la sûreté de l’État, aux côtés d’autres cadres du parti. Le mouvement fait face à une désintégration interne et à une chute de popularité, sur fond de rejet généralisé de son passé violent et de son discours perçu comme une menace pour l’État civil.

Dans un communiqué publié à cette occasion, Ennahdha a tenté de défendre sa légitimité en affirmant qu’« il n’y a pas de vraie démocratie sans islamistes » et que leur exclusion n’aboutirait pas à un État libre. Des propos largement critiqués, perçus comme une forme de chantage politique et un symptôme d’une mentalité figée.

L’analyste politique Nabil El Ghouari a déclaré que l’histoire d’Ennahdha est « entachée de sang », affirmant que le mouvement chute toujours par sa propre violence. Il a qualifié l’idée selon laquelle il serait impossible de faire de la politique sans les islamistes de « danse du coq égorgé », soulignant que le peuple tunisien a tourné la page après avoir découvert leur véritable visage.

De son côté, l’historien contemporain Abdallah Chakhari a rappelé, dans la même source, que le mouvement n’est pas né comme un parti démocratique, mais comme une extension des Frères musulmans avec un projet totalitaire. Il souligne que la stratégie d’Ennahdha, tant dans les années 1980-1990 qu’après la révolution, a toujours été de cibler les institutions de l’État, non pour gouverner sagement, mais pour s’y implanter durablement.

 

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page