Les couloirs humanitaires au Soudan… Une carte de secours entravée par l’armée sous le joug de la pression politique

Une année s’est écoulée depuis que l’armée soudanaise a annoncé la carte des itinéraires autorisant le passage de l’aide humanitaire aux victimes de la guerre.
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Mais, malgré les mois passés, les civils ne profitent toujours pas de cette aide, et son impact reste nul, comme le répètent de nombreux Soudanais épuisés par l’attente et lassés des promesses non tenues.
En mars de l’année dernière, le ministère soudanais des Affaires étrangères a publié un communiqué officiel annonçant la définition des voies d’entrée de l’aide humanitaire en provenance des pays voisins, affirmant que le commandement militaire avait approuvé cette carte.
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Mais ces déclarations se sont vite évaporées, laissant place à une souffrance accrue parmi les populations fuyant la guerre, révélant le fossé entre les discours et la réalité.
Le ministère avait alors indiqué avoir informé l’ONU de l’accord de Port-Soudan pour l’utilisation du poste frontière de « Tina », reliant le Tchad à la ville d’El Fasher, capitale du Nord-Darfour, pour l’entrée de l’aide, après concertation avec le gouvernement tchadien sur les modalités techniques et sur la base de la résolution 1591 du Conseil de sécurité.
Il avait aussi reconnu que cette approbation avait été donnée malgré les craintes que la frontière avec le Tchad ne serve de ligne d’approvisionnement principale pour les Forces de soutien rapide.
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Nouveaux développements
Dans une évolution récente, le Conseil souverain soudanais a annoncé lundi dernier que le président du conseil et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhan, avait reçu un appel téléphonique de Tom Fletcher, secrétaire général adjoint de l’ONU, durant lequel la situation humanitaire et les moyens de faciliter l’acheminement de l’aide à El Fasher ont été abordés.
Suite à cela, le communiqué a déclaré que le gouvernement soudanais avait accepté la demande des Nations unies d’établir des bases logistiques près d’El Fasher pour faciliter les opérations humanitaires dans les régions de Mellit et Tawila, dans l’État du Nord-Darfour.
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Cependant, la réalité sur le terrain, comme documentée par la coordination générale des camps de déplacés et de réfugiés au Soudan, raconte une tout autre histoire.
De El Fasher à Tawila, la tragédie s’amplifie sous les yeux de l’armée soudanaise et de ses alliés, donnant l’impression d’une mise en scène visant à tromper les responsables internationaux par des promesses vaines, rapidement contredites par les faits.
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Depuis le terrain
Le porte-parole de la coordination générale des camps, Adam Rajal, a dressé un tableau sombre de la situation dans les camps, confirmant que les déplacements de populations en provenance des camps de Zamzam et Abu Shouk vers Tawila se poursuivent, cette dernière abritant désormais plus d’un million et demi de déplacés.
Il a précisé que l’exode ne se limite pas à Tawila, mais touche également Jebel Marra, Fanga, Deribat, Rokero, Golo, Nertiti, et d’autres régions du Darfour.
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Rajal a souligné que la situation humanitaire est extrêmement critique, avec une augmentation des décès quotidiens dus à la faim, la soif et la maladie.
Les déplacés vivent dans des camps assimilables à des centres de détention, dépourvus de services de base, en raison de l’effondrement quasi total des infrastructures. Les forces de sécurité arrêtent les militants et empêchent les déplacés de quitter certains camps, comme à Abu Shouk, au nord d’El Fasher.
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Carte des points de passage
Selon le Dr Salah El-Amin, expert humanitaire international au Soudan, les postes frontaliers sont répartis selon les zones de contrôle des factions armées : l’armée soudanaise et ses alliés, les Forces de soutien rapide, l’Armée populaire dirigée par Abdelaziz al-Hilu, et le Mouvement de Abdelwahid Nour.
Il a expliqué que l’armée contrôle les postes d’Argeen et Ashkeit au nord (frontière égyptienne), le poste fluvial de Renk au sud (frontière sud-soudanaise), ainsi que le port maritime et l’aéroport de Port-Soudan et l’aéroport de Kassala à l’est.
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Les forces alliées à l’armée contrôlent le poste frontalier de Tina (frontière tchadienne), tandis que le poste d’Adré (également au Tchad) est contrôlé par les Forces de soutien rapide. Le poste d’Aweil (nord Bahr el-Ghazal) est également sous contrôle des Forces de soutien rapide, tout comme un autre passage tenu par les forces d’al-Hilu.
L’armée refuse d’ouvrir le poste d’Adré, alléguant qu’il sert au ravitaillement militaire des Forces de soutien rapide, préférant l’acheminement via Tina.
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Betty Ka, coordinatrice régionale d’urgence du Programme alimentaire mondial au Soudan, a averti précédemment que « le temps presse », alors que les combats s’intensifient à El Fasher, Khartoum et dans d’autres zones chaudes.
Elle a souligné que l’armée continue de refuser l’ouverture d’Adré, alors que le poste de Tina devient impraticable en saison des pluies, entravant gravement les convois humanitaires.
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Bilan faible
Salah El-Amin a indiqué que l’acheminement de l’aide au Soudan est entravé par une confusion entre sécurité, politique et urgence humanitaire de la part des belligérants.
Il insiste sur la nécessité d’un processus humanitaire centralisé, coordonné avec toutes les parties, sous supervision internationale.
recommande de s’appuyer sur les réseaux communautaires locaux, les cuisines populaires, les initiatives citoyennes, tout en limitant le rôle de l’autorité contrôlante à l’émission d’autorisations.
Il juge la couverture actuelle des besoins humanitaires à seulement 6 %, les ONG internationales étant réticentes à opérer dans des zones à risques.
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Manœuvres et délais
Le politologue et journaliste spécialisé en société civile, Kambal Abdelwahid, a déclaré que l’échec des humanitaires à obtenir les autorisations nécessaires découle de la stratégie de « procrastination » de l’armée soudanaise, qui prétend que les cargaisons de secours pourraient dissimuler des armes.
Les ONG ont souvent alerté sur les obstacles majeurs entravant leurs actions, contribuant à l’aggravation de la crise humanitaire.
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Elles réclament l’ouverture et la sécurisation des couloirs, la création de passages sûrs et une augmentation du soutien international pour répondre aux besoins croissants des déplacés au Darfour et ailleurs, dénonçant l’inaction des autorités de facto de Port-Soudan.
Depuis mi-avril 2023, l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide sont en guerre, causant des milliers de morts et des millions de déplacés. La communauté internationale appelle à mettre fin aux combats pour éviter une catastrophe humanitaire poussant des millions de personnes vers la famine et la mort, alors que les couloirs humanitaires restent fermés.