Grand Maghreb

Le chaos frappe les médias en Algérie : Une surenchère de propagande en faveur de Tebboune implique un quotidien

Les autorités algériennes restreignent les médias avec des lois et des directives pour qu'ils restent dans leur sphère, mais elles n'ont pas réussi à élaborer une stratégie médiatique réfléchie qui permettrait aux plateformes qu'elles contrôlent de suivre la voie souhaitée.


Les autorités algériennes s’apprêtent à fermer le journal « Algérie Demain », fondé en 2020, après l’élection du président Abdelmadjid Tebboune lors des élections de 2019, où il avait promis de créer une « nouvelle Algérie » avec plus de libertés, y compris la liberté d’expression. C’est sur ces promesses que le journal a vu le jour, promettant à son tour un nouveau paysage médiatique.

Dans une action que certains observateurs du secteur médiatique algérien ont qualifiée de signe du désordre qui règne dans le secteur, le ministère algérien de la Communication a annoncé jeudi la suspension de l’impression du quotidien « Algérie Demain » en raison de la publication d’un article contenant « des informations trompeuses, non documentées, et contraires aux dispositions régissant le travail journalistique », sans donner plus de détails sur l’article ayant provoqué la colère des autorités.

Le journal avait publié un dossier intitulé « Les sionistes et l’axe du mal planifient-ils l’assassinat du président Tebboune ? », citant une « source bien informée » selon laquelle « le président est effectivement menacé d’assassinat à tout moment par des forces du mal ».

Des journalistes ont indiqué que le journal algérien, qui n’a visiblement pas duré longtemps, a poussé la propagande gouvernementale à l’extrême, au point de s’embourber dans des problèmes politiques en inventant des complots et des nouvelles sans fondement.

Le journal semble également avoir adhéré à la théorie du complot souvent relayée par le régime depuis 2019, avec des avertissements sur des plans terroristes visant à faire exploser des rassemblements des manifestants du Hirak, jusqu’à des récits sur des complots orchestrés par le mouvement séparatiste « MAK », que le régime prétend être soutenu par l’étranger, ainsi que d’autres histoires de complots étrangers visant la sécurité et la stabilité de l’Algérie.

Une analyse de la situation médiatique algérienne montre que la suspension de l’impression du journal algérien, qui devrait précéder sa fermeture, fait partie d’une campagne d’intimidation exercée par les autorités sous prétexte de respecter la loi, afin de soumettre les médias, notamment ceux qui ne sont pas alignés sur la ligne du gouvernement. La décision de la tutelle semble s’inscrire dans une réorganisation du secteur visant à le conformer à la narrative que le régime veut promouvoir, et les mesures prises contre « Algérie Demain » sont plus un avertissement pour les autres médias qu’une simple application de la loi.

Dans un communiqué, le ministère a précisé que « conformément à l’article 80 de la loi n° 23-19 relative à la presse écrite et électronique, les services du ministère ont convoqué jeudi le directeur de publication d’Algérie Demain, Adil Zakari, et Issam Sheikh, fondateur et directeur exécutif, pour les interroger au sujet du dossier publié dans le numéro 10 du journal, en date du 19 septembre 2024, rédigé par Ammar Qardoud, fondateur et directeur général de la publication, en raison d’informations trompeuses, non documentées, et contraires aux dispositions de la loi organique n° 23-14 relative à l’information, notamment les articles 3, 20 et 35, et à la loi n° 23-19 relative à la presse écrite et électronique ».

Le communiqué a ajouté : « Sur cette base, le ministère a décidé de suspendre immédiatement l’impression de la publication mentionnée et d’entamer les procédures légales pour l’arrêt définitif de ses activités, conformément à l’article 54 de la Constitution et à l’article 70 de la loi sur la presse écrite et électronique ».

Des journalistes algériens ont rapporté que la première page du journal « Algérie Demain » montrait une photo du président Abdelmadjid Tebboune avec des titres choquants largement diffusés sur les réseaux sociaux, mentionnant « Les sionistes et l’axe du mal planifient-ils l’assassinat du président Tebboune ? ». L’article évoquait une opération baptisée (Star Six) déjà mentionnée par un autre journal, « Le Soir d’Algérie », pendant la campagne présidentielle, affirmant l’existence d’un complot orchestré par des forces hostiles à l’Algérie dans le monde arabe et régional.

Le journaliste algérien Najib Belhamer a écrit sur sa page Facebook, dans un message intitulé « Message et leçon », que « le titre a été aligné sur la ligne tracée par la campagne médiatique accompagnant les élections, et des journaux plus célèbres que ‘Algérie Demain’ ont publié des articles sans informations vérifiées sur un complot nommé Star Six, impliquant des pays de l’axe du mal, et ont affiché des photos des dirigeants de ces pays en première page ».

Il a ajouté : « Algérie Demain n’a rien inventé de nouveau, et n’a pas dépassé les limites qui étaient déjà tracées, mais elle a agi au mauvais moment, quand le régime avait besoin d’envoyer des signaux que la situation avait changé. Et parce qu’elle est arrivée au mauvais moment, elle n’est devenue qu’un simple signal rapidement oublié une fois le message reçu ».

Des observateurs estiment que les autorités algériennes, qui restreignent les médias par des lois et des directives pour les maintenir sous contrôle, et qui utilisent la propagande, notamment lors des élections présidentielles, n’ont pas réussi à élaborer une stratégie médiatique bien pensée, permettant aux médias qui leur sont affiliés de suivre une voie cohérente. Cela a conduit à la diffusion de rumeurs et de fausses informations susceptibles d’entraîner le gouvernement dans des crises diplomatiques avec les pays concernés.

Le secteur des médias en Algérie est en proie au chaos, avec une gestion chaotique du secteur de la communication, où certains accusent l’armée algérienne de contrôler tous les rouages de l’État, ce qui conduit à des décisions arbitraires et mal réfléchies.

Les récents développements ont révélé l’échec de la stratégie médiatique du pays et son désarroi, comme en témoigne la récente éviction du directeur général de la télévision algérienne par intérim, Adil Salaqji, qui est le troisième à occuper ce poste en l’espace de deux mois, illustrant l’instabilité qui règne au sein de la télévision publique algérienne. Depuis 2019, cinq directeurs généraux se sont succédé à ce poste.

Des sources indiquent que cette décision est liée à la diffusion par la télévision algérienne de scènes montrant le président Abdelmadjid Tebboune entrant dans son bureau au palais présidentiel, avant d’être « saisi » par son directeur de cabinet, Boualem Boualem, d’une manière qui reflète son influence et son pouvoir. Ce geste, sans précédent, a révélé la puissance de Boualem, perçu comme l’œil des généraux au sein du palais présidentiel.

Ces décisions de licenciement contredisent les promesses électorales d’une ouverture à la liberté d’expression et à l’exercice du journalisme, tandis que des justifications sont toujours prêtes à restreindre la liberté d’expression des voix dissidentes sur des sujets gênant le pouvoir.

Les Algériens se demandent quel est le but de ces changements administratifs récurrents, alors qu’il n’y a aucune amélioration tangible qui profite réellement au pays et à ses citoyens. Les observateurs estiment que ces licenciements ne changent rien à la situation actuelle du pays : pas de changement, pas de progrès, malgré les énormes sommes d’argent dépensées par l’État. Certains ont même ironisé sur les réseaux sociaux en affirmant que la fin de ces missions ne fait que perpétuer la corruption précédente.

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