Politique

80 ans après la tragédie de Nagasaki… Les hibakusha se raréfient et l’auteur demeure présent


Huit décennies après ce matin où le ciel de Nagasaki s’est transformé en une masse de feu et de radiation, la ville de l’ouest du Japon s’est à nouveau figée dans un silence solennel, ravivant la mémoire de l’un des jours les plus sanglants de l’histoire humaine.

Qui sont les hibakusha ?

Dans le Parc de la Paix, où la symbolique du lieu se mêle au poids de l’événement, environ 2 700 personnes se sont réunies, parmi lesquelles un nombre décroissant de survivants connus sous le nom de « hibakusha ». Leur nombre est passé cette année pour la première fois sous la barre des cent mille.

Le terme « hibakusha », d’origine japonaise, désigne les personnes touchées par les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945.

Ces survivants, qui ont porté toute leur vie le souvenir de l’explosion et des souffrances physiques, psychologiques et sociales qui en ont découlé, savent que leurs témoignages s’apprêtent à devenir le dernier lien vivant avec la catastrophe.

Leurs voix, aujourd’hui plus fragiles, gardent pourtant la force de percer le vacarme de la politique et le fracas des armements, pour rappeler au monde ce qu’une seule arme peut accomplir en un instant.

Cette année, la cérémonie ne fut pas seulement une évocation d’un passé lointain, mais aussi une rare rencontre entre la mémoire des victimes et la réalité actuelle de la politique nucléaire : des représentants des États-Unis — puissance nucléaire qui a largué la bombe — et de la Russie — qui possède le plus grand arsenal nucléaire au monde — étaient présents parmi les délégations venues de 95 pays et régions.

Pour beaucoup, voir côte à côte les représentants de ces deux nations, dont les arsenaux combinés pourraient anéantir la planète, portait une forte charge symbolique et ironique, surtout dans le contexte de la guerre en Ukraine et des tensions persistantes entre Moscou et Washington, que les deux parties tentent de surmonter.

À 11 h 02, heure exacte de l’explosion du 9 août 1945, l’assemblée a observé une minute de silence. Puis Shiro Suzuki, maire de Nagasaki, est monté sur scène pour avertir que « le monde s’approche d’une crise existentielle pour l’humanité » en raison des conflits en cours et des risques de prolifération nucléaire.

Il a exhorté les dirigeants à revenir aux principes de la Charte des Nations unies et à prendre des mesures concrètes vers le désarmement, soulignant que « tout retard est désormais inacceptable ».

Ses paroles étaient chargées de symboles et de souvenirs : ce jour funeste, il y a 80 ans, un bombardier américain B-29 avait largué sur la ville une bombe au plutonium-239 de dix mille livres, surnommée « Fat Man ». Nagasaki comptait alors environ 200 000 habitants.

L’explosion tua immédiatement près de 27 000 personnes, tandis que des dizaines de milliers d’autres succombèrent ensuite aux brûlures, aux blessures et aux effets de l’irradiation.

L’histoire retient que Nagasaki fut choisie en partie pour son importance industrielle et son port stratégique, ainsi que pour sa topographie montagneuse qui amplifia la force de l’explosion.

Trois jours seulement après le bombardement d’Hiroshima à l’uranium-235, Nagasaki n’était plus qu’un champ de ruines. Le double choc nucléaire força le Japon à capituler le 15 août, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui encore, les traces de cet instant persistent dans les corps et les âmes des survivants, accompagnées d’un héritage de discriminations sociales et de souffrances sanitaires.

À mesure que le nombre de hibakusha diminue, le devoir de mémoire incombe à de nouvelles générations, qui s’efforcent de transmettre le même message d’alerte dans un monde que les scientifiques jugent proche de ses plus hauts niveaux de tension nucléaire depuis la guerre froide.

Dans le Parc de la Paix, au milieu des monuments, des fleurs blanches et des chants, passé et présent semblaient dialoguer en silence : une ville ressuscitée des cendres grâce à quatre-vingts années de persévérance, mais qui vit encore à l’ombre d’une arme toujours présente dans les arsenaux des grandes puissances — et peut-être dans leurs intentions.

Dans cette scène, la présence conjointe de « l’auteur » historique et du détenteur du plus vaste arsenal nucléaire constituait un rappel plus fort que n’importe quel discours : l’histoire n’est pas toujours un chapitre clos, et la catastrophe pourrait ressurgir si la trajectoire actuelle ne change pas.

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