Washington élargit les mécanismes secrets d’approvisionnement d’Israël en armes : des conséquences catastrophiques redoutées

Dans ce qui est décrit comme l’une des initiatives législatives les plus inquiétantes à Washington depuis le déclenchement de la guerre de Gaza, la Maison-Blanche, soutenue par la Chambre des représentants, cherche à étendre un mécanisme secret permettant à Israël d’accéder sans restriction à l’arsenal américain.
Cette orientation suscite de vives inquiétudes quant à ses conséquences potentiellement catastrophiques sur la transparence des transferts d’armes, ainsi que sur l’état de préparation de l’armée américaine elle-même.
Au cœur de la controverse se trouve le projet de loi de financement du Département d’État, habituellement considéré comme un texte de routine indispensable au fonctionnement de la diplomatie américaine. Or, la version de cette année intègre une disposition ouvrant la voie à un transfert illimité d’armes américaines vers un stock spécial basé en Israël, connu sous le nom de « Réserve de guerre des alliés – Israël » (WRSA-I).
Selon Josh Paul, ancien responsable au Département d’État, ce dépôt constitue « le moins transparent » de l’ensemble du dispositif d’armement d’Israël.
Depuis le 7 octobre dernier, cette réserve est devenue une source majeure d’approvisionnement, permettant à Israël de mener une campagne aérienne d’une intensité inédite, que des experts qualifient de la plus violente du XXIe siècle.
Comment fonctionne le mécanisme ?
La procédure est presque sans entraves : dès qu’Israël formule une demande, le secrétaire à la Défense dispose du pouvoir d’autoriser immédiatement le transfert, sans passer par les étapes habituelles telles que la notification au Congrès ou même à la Maison-Blanche. Josh Paul la résume ainsi : « Israël peut entrer, prendre ce dont il a besoin, puis repartir. Le paiement est généralement réglé ultérieurement. »
Ce système exceptionnel s’inscrit dans le prolongement de récentes révisions légales. En 2024, le Congrès a adopté une loi levant temporairement les plafonds annuels de valeur et de type d’armes transférées à la WRSA-I, fixés auparavant à 200 millions de dollars. La législation a également conféré au secrétaire à la Défense le pouvoir d’évaluer la valeur des équipements, plutôt que de se baser sur les prix du marché.
Un contournement de la transparence
Même avant ces changements, l’administration Biden avait déjà exploité ce dépôt pour contourner les règles de transparence. Dans les premiers jours de la guerre à Gaza, des cargaisons massives furent subdivisées en envois plus modestes, inférieurs à 25 millions de dollars – seuil déclenchant une obligation de notification au Congrès.
Cette manœuvre a permis l’acheminement discret de dizaines de cargaisons, expliquant la poursuite des livraisons malgré le faible volume officiel des ventes. Mais cette stratégie a un prix : les réserves américaines sont déjà fortement sollicitées par le double soutien militaire à l’Ukraine et à Israël.
Josh Paul avertit que l’élargissement de la WRSA-I risque d’entraîner « un grave affaiblissement de la préparation opérationnelle de l’armée américaine », dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie et la Chine.
Un calendrier délicat
La sensibilité du projet de loi est renforcée par la publication récente d’un rapport d’experts onusiens accusant Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens à Gaza. Le rapport conclut que l’ampleur des destructions et du nombre de victimes dépasse toute justification militaire. Tel-Aviv a rejeté ces accusations, les qualifiant d’« intégralement fondées sur les mensonges du Hamas ».
Un nouveau recul du contrôle parlementaire
Plus inquiétant encore, le texte inclut une disposition supprimant l’obligation pour le Département d’État de fournir des rapports périodiques au Congrès sur des questions telles que les droits humains à l’échelle mondiale. Ce recul du contrôle parlementaire sur la politique étrangère alarme les experts.
John Ramming-Chappell, conseiller au Centre pour la protection des civils dans les conflits, estime que si la loi est adoptée en l’état, « le contrôle législatif sera sévèrement affaibli, et le Congrès comme le public disposeront de beaucoup moins d’informations sur la politique étrangère américaine et ses répercussions ».