Politique

Voyage forcé et opaque : l’affaire qui ravive les tensions européennes autour du déplacement des Palestiniens


La position européenne traverse une véritable épreuve : elle se dit fermement opposée au transfert forcé, mais elle doit désormais prouver qu’il ne s’agit pas seulement d’un principe affiché, mais d’une politique réellement applicable.

Le porte-parole de la Commission européenne, Anwar Al-Aouni, a réaffirmé le refus de l’Union européenne de tout déplacement forcé de Palestiniens depuis la bande de Gaza, soulignant que « Gaza constitue une partie essentielle du futur État palestinien, et il ne doit y avoir aucun déplacement forcé ». Il réagissait ainsi aux questions des journalistes lors de son point de presse quotidien, à propos de l’arrivée mystérieuse de Palestiniens d’origine gazaouie en Afrique du Sud après un vol parti d’Israël.

Cette position européenne intervient à un moment politique particulièrement sensible, marqué par une multiplication de témoignages et de rapports évoquant des risques de transfert de population ou de pressions poussant les civils à partir sous la contrainte de la guerre. Bien que l’Union européenne réaffirme officiellement son rejet du déplacement forcé et de toute modification démographique, sa réaction aux faits reste prudente, comme en témoignent des déclarations qui laissent la porte ouverte à des « enquêtes » et « vérifications », tout en évitant tout jugement définitif.

Al-Aouni a indiqué ne pas disposer d’informations détaillées sur l’incident, ajoutant : « Cela dit, notre position n’a pas changé. L’Union européenne refuse toute modification démographique ou territoriale à Gaza. » Il a également insisté sur la nécessité d’intégrer Gaza à la Cisjordanie, rappelant que « comme l’a affirmé la présidente Ursula von der Leyen, Gaza constitue un élément vital du futur État palestinien, et aucun déplacement forcé n’est acceptable ».

Pour sa part, la porte-parole principale de la Commission européenne, Paula Pinho, a estimé qu’une enquête restait nécessaire pour déterminer si ce qui s’est produit relève d’un « déplacement forcé ou d’un départ volontaire ».

Entre principes affichés et inquiétudes liées aux faits sur le terrain

Cette prudence met en lumière un dilemme ancien : d’un côté la volonté de défendre le cadre juridique international, de l’autre un manque de volonté politique d’exercer une pression réelle sur Israël. Car si l’Union européenne insiste sur le fait que Gaza est un élément central du futur État palestinien, sa capacité à influencer le cours des événements demeure limitée, en particulier en raison de divisions internes entre États membres sur l’attitude à adopter vis-à-vis des politiques israéliennes.

L’Union se voit ainsi contrainte, dans ses déclarations publiques, de maintenir un cadre juridique strict : refus du déplacement, refus de toute modification des frontières, réaffirmation de la solution à deux États. Elle sait que toute modification

démographique imposée à Gaza fragiliserait la base juridique défendue depuis des décennies et l’exposerait à une crise de crédibilité internationale. Dans le même temps, les Européens observent avec inquiétude des évolutions susceptibles de modifier progressivement la réalité démographique de la bande de Gaza sous couvert de « départs volontaires » ou de « voyages vers des pays tiers ».

Le 13 novembre, les autorités de l’aéroport OR Tambo de Johannesburg ont retenu 153 Palestiniens pendant près de 13 heures après leur arrivée sur un vol en correspondance depuis l’aéroport Ramon en Israël vers le Kenya, en raison de l’absence de tampon de sortie israélien sur leurs passeports. Après vérification, les services sud-africains de sécurité frontalière leur ont finalement permis d’entrer sur le territoire en vertu des exemptions permettant aux détenteurs d’un passeport palestinien de séjourner jusqu’à 90 jours.

Alors que l’unité israélienne de coordination des activités gouvernementales dans les territoires palestiniens affirme que les Palestiniens ont quitté Gaza après avoir obtenu l’approbation d’un pays tiers, certains observateurs estiment que de telles procédures pourraient constituer une nouvelle voie de déplacement sous couvert de cadres juridiques, créant un précédent dangereux dans le contexte actuel.

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a déclaré que son gouvernement menait une enquête sur les circonstances de l’arrivée de ces Palestiniens, « placés dans des conditions mystérieuses à bord d’un avion et transférés via Nairobi », affirmant la nécessité de comprendre l’origine de ce vol et d’en évaluer les implications futures.

À la lumière de ces développements, la position européenne semble engagée dans une phase de test réel : elle demeure théoriquement opposée au déplacement, mais elle doit démontrer que cette position dépasse le cadre de la déclaration politique et qu’elle est susceptible d’être appliquée. À mesure que se multiplient les cas mystérieux de départs de Palestiniens de Gaza, la pression augmente sur Bruxelles pour clarifier ses mécanismes d’action et son degré de détermination à empêcher toute modification démographique imposée par la réalité du terrain.

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