Grand Maghreb

Vendredi du Salut : la Libye retient son souffle face à la crainte d’un dérapage des milices


Le mufti démis de Libye soutient implicitement le gouvernement de Dbeibah, le qualifiant de « moindre mal » comparé aux autres entités politiques.

Des villes de l’ouest libyen s’apprêtent à manifester demain vendredi, poursuivant un mouvement populaire exigeant la démission du gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah, qu’elles tiennent pour responsable de la détérioration de la situation sécuritaire et économique.

Ces appels gagnent en intensité alors que l’impasse politique se prolonge, sans perspective de résolution de la crise ni de désarmement des milices loyales à Dbeibah, qui maintiennent leur emprise sur plusieurs régions de l’ouest libyen.

La capitale est sous tension, alors qu’elle se prépare à de vastes manifestations sous le slogan « Vendredi du Salut », les deuxièmes depuis les violents affrontements consécutifs à l’assassinat d’Abdelghani al-Kikli, dit « Ghneiwa », chef de l’Appui à la stabilité, un organisme affilié au Conseil présidentiel libyen.

Des craintes persistent quant à une possible réaction violente des forces pro-gouvernementales, au vu de précédents où des manifestants avaient été la cible de tirs, tandis que Dbeibah reste ferme sur sa volonté de conserver le pouvoir.

Profitant du climat actuel, l’ancien mufti Sadiq al-Ghariani, considéré comme le mentor spirituel des Frères musulmans libyens, a exprimé son soutien implicite au gouvernement Dbeibah, le qualifiant de « moins néfaste » parmi les propositions politiques actuelles, y compris celle formulée récemment par la mission onusienne.

Sur la chaîne Tanasuh, Ghariani a déclaré que le gouvernement d’union nationale dirigé par Dbeibah est « le moins nocif des corps politiques actuels en Libye », dénonçant les conclusions du comité consultatif de l’ONU comme étant « absurdes et corrompues », des critiques qu’il avait déjà formulées par le passé.

Il a ajouté sur la page Facebook de « Akhbar Tanasuh » : « Il existe des principes fondés sur le Coran et la Sunna authentique, approuvés par la communauté : lorsqu’on est confronté à deux maux, il faut choisir le moindre, et non persister à opter pour le pire par esprit partisan ou sectaire, sous peine de mourir dans l’ignorance. »

Ghariani a par ailleurs critiqué les manifestants, les qualifiant d’« illégitimes », alors même que la municipalité de Souq al-Jumaa a déjà appelé à un sit-in contre Dbeibah, tout comme trente maires qui ont exigé sa démission en raison de la situation catastrophique.

Le président du Conseil présidentiel, Mohamed al-Menfi, a salué mercredi l’appel du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi en faveur d’un dialogue inter-libyen débouchant sur des élections attendues depuis 2021.

Cette déclaration a été faite à l’issue d’une réunion au Caire entre Sissi et Masad Boulos, conseiller principal du président américain pour les affaires arabes, du Moyen-Orient et de l’Afrique.

Le président égyptien a réaffirmé que son pays, voisin oriental de la Libye, soutient fermement les démarches politiques visant à instaurer un gouvernement unifié, crédible et appuyé par le Parlement, le Haut Conseil d’État et le Conseil présidentiel, en vue d’organiser les élections.

Al-Menfi a déclaré sur X : « Nous saluons la déclaration de la présidence égyptienne appelant au dialogue entre les institutions issues de l’accord politique, en vue d’organiser des élections générales. » Il a précisé que « jusqu’à l’élection d’un président par le peuple, la désignation du chef du gouvernement relève du Conseil présidentiel, selon les amendements à l’accord politique entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État. »

Mercredi également, le président de la Chambre des représentants, Aguila Saleh, a convoqué les députés à une session officielle lundi prochain à Benghazi, pour écouter les programmes des candidats au poste de Premier ministre.

La Chambre a suspendu mardi une session de deux jours consacrée à la formation d’un nouveau gouvernement unifié, en coordination avec le Haut Conseil d’État. Le gouvernement actuel de Dbeibah n’a pas encore réagi à cette initiative, mais a affirmé précédemment qu’il ne cédera le pouvoir qu’à un exécutif issu d’un Parlement nouvellement élu.

Dans la soirée de mercredi, la mission de l’ONU en Libye a publié les recommandations de son comité consultatif, destiné à résoudre les principaux points de blocage empêchant la tenue d’élections.

Le comité (6+6), formé par la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État, avait adopté le 6 juin 2023 des lois électorales qui ont suscité des controverses.

Le comité consultatif a proposé des solutions concernant les divergences sur le couplage des élections présidentielles et législatives, les critères d’éligibilité, l’obligation d’un second tour pour la présidentielle, ainsi que la formation préalable d’un gouvernement, les recours électoraux, la représentation des femmes et des minorités culturelles, et la répartition des sièges.

Quatre scénarios ont été suggérés : des élections présidentielles et législatives simultanées, des législatives suivies de l’adoption d’une Constitution, l’adoption préalable d’une Constitution, ou la création d’un comité de dialogue politique chargé d’achever les textes électoraux et constitutionnels.

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