Utiliser l’économie comme outil d’infiltration… Al-Qaïda s’étend en Afrique de l’Ouest

Des experts français et africains ont révélé des mouvements sans précédent du groupe appelé “Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin” (JNIM), affilié à Al-Qaïda, dans l’ouest du Mali, sur fond d’une recrudescence marquée des attaques et des percées stratégiques.
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Une étude de terrain récente, publiée par l’Institut Timbuktu au Sénégal, indique que la région de Kayes est devenue un centre préoccupant de l’activité du groupe, ouvrant la voie à une potentielle extension de la violence vers la Mauritanie et le Sénégal.
Les alertes ne se limitent pas au plan militaire, mais s’étendent également à des tentatives d’isoler économiquement et politiquement la capitale malienne, Bamako, redéfinissant ainsi la carte des menaces en Afrique de l’Ouest et préparant une percée vers les pays voisins du Mali.
D’après ce rapport, le nombre d’attaques dans la région de Kayes a été multiplié par sept entre 2021 et 2024, ciblant principalement les forces de sécurité maliennes à travers des embuscades et des engins explosifs, comme l’attentat perpétré dans la zone de Mélgué le 8 février, qui a fait trois morts et trois blessés parmi les soldats.
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Les auteurs du rapport avertissent que le groupe ne se limite pas à des actions militaires, mais applique une stratégie visant à isoler Bamako de son axe vital vers le Sénégal, en prenant progressivement le contrôle de la route reliant les deux capitales.
Aymeric de La Fosse, chercheur français spécialiste du Sahel à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), a déclaré que le groupe utilise désormais l’économie comme outil d’infiltration des pays voisins, à travers des réseaux de contrebande de bétail et de bois, et que certains commerçants au Sénégal et en Mauritanie sont soumis à des pressions pour y participer indirectement.
Il ajoute : « Ce que nous observons aujourd’hui est une expansion en réseau, et non seulement territoriale, le groupe s’intégrant aux activités économiques transfrontalières, ce qui lui permet de s’établir sans avoir à occuper des territoires. »
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Le rapport confirme que le groupe n’a pas encore établi de base permanente en Mauritanie ou au Sénégal, mais profite de la revente du bétail volé au Mali et du contrôle de zones forestières stratégiques, ce qui lui confère une capacité d’expansion économique, puis sécuritaire.
Pour sa part, Clément Deschamps, expert économique français au Centre d’études sur la sécurité (CESDIP), estime que le groupe pourrait à l’avenir exploiter la vulnérabilité de certaines communautés locales dans ces deux pays voisins, notamment les jeunes chômeurs ou socialement marginalisés, afin de recruter dans ses rangs.
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Il explique : « Les groupes terroristes dans le Sahel ont compris l’importance de jouer sur les fractures sociales et économiques, en créant une fausse légitimité à travers la distribution de la zakat et l’imposition de taxes religieuses. »
Le rapport conclut que la menace terroriste dans le Sahel ne se limite plus au centre du Mali ou aux frontières avec le Niger et le Burkina Faso, mais prend désormais une forme plus dynamique et en réseau, menaçant la stabilité de toute l’Afrique de l’Ouest.