Une feuille de route pour la paix au Moyen-Orient… L’Europe sortira-t-elle enfin de l’ombre ?

Malgré sa présence multiforme dans la région, l’Union européenne n’a que rarement joué un rôle allant au-delà de celui d’un simple soutien dans le règlement du conflit israélo-palestinien.
Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses capitales européennes ont fini par considérer la solution à deux États comme presque impossible à réaliser, ne justifiant plus un investissement en temps ou en efforts. Cela a conduit nombre d’acteurs européens à soutenir tacitement le statu quo en Israël, tout en condamnant certaines de ses actions par de simples déclarations, selon le magazine américain Foreign Affairs.
Mais l’Europe ne peut plus se permettre de rester en marge d’un conflit qui a connu une nouvelle escalade après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, suivie de la guerre dévastatrice lancée par le gouvernement israélien contre Gaza et d’une montée des tensions entre Israël et l’Iran. La sécurité du continent est désormais en jeu, estime la publication.
L’Union européenne dispose d’une expertise unique concernant les conséquences de la guerre à Gaza : des leçons concrètes et douloureusement acquises au XXe siècle sur la manière de rompre avec les cycles de violence et de construire la paix avec d’anciens ennemis.
Si plusieurs dirigeants européens ont appelé à un rôle plus actif dans la recherche de la paix, l’Union doit adopter une stratégie cohérente. Un ensemble de principes, tiré de cinq années de tentatives de pilotage d’une politique fragmentée au Moyen-Orient, peut guider cet effort.
Une prudence excessive
Nombreux sont les Européens qui estiment que Donald Trump, alors président américain, ne voulait ni ne pouvait endosser le rôle de médiateur efficace. Indépendamment du rôle que les États-Unis entendent jouer, les Européens ont un rôle singulier à assumer. Ils ont appris que, malgré les discours politiques diabolisants, la majorité des peuples aspirent à vivre en paix avec leurs voisins. Toutefois, certaines circonstances permettent aux extrémistes de prendre le dessus.
Depuis le 7 octobre, l’Union européenne a utilisé ses instruments traditionnels – économiques et diplomatiques – avec prudence et incohérence. Elle a augmenté considérablement son aide à Gaza, s’engageant à verser environ 125 millions de dollars en 2024, notamment via l’UNRWA et le Croissant-Rouge. Cependant, ces fonds ne sont assortis d’aucune garantie réelle quant à leur bonne utilisation.
Elle a aussi appelé, à de nombreuses reprises, à un cessez-le-feu et au respect du droit international, et a condamné tant les attaques du Hamas que les ripostes israéliennes jugées disproportionnées.
Des divisions internes
Mais les divisions entre États membres minent l’efficacité de l’Union. Tandis que certains soutiennent prudemment les enquêtes de la Cour pénale internationale, d’autres, comme l’Autriche et l’Allemagne, refusent d’exécuter les mandats d’arrêt visant des responsables israéliens.
En raison de leur incapacité à réévaluer leur politique commerciale envers Israël, l’UE reste le principal partenaire économique de ce pays. Cela a largement marginalisé l’Union, divisée en son sein et écartée des pourparlers de cessez-le-feu menés par les États-Unis et des acteurs régionaux.
Un potentiel sous-exploité
Pourtant, selon Foreign Affairs, l’expérience de l’UE en matière de réconciliation et de construction de la paix – fondée sur la reconnaissance mutuelle et l’absence de domination – lui confère un atout unique. Elle dispose aussi d’outils concrets pour jouer un rôle central au Moyen-Orient.
Si l’Europe dispose d’un levier d’influence important, elle ne l’a pas encore utilisé efficacement. Certes, une prudence historique est compréhensible au vu de son passé colonial, mais lorsqu’il s’agit de défendre ses valeurs et ses intérêts vitaux, elle ne peut plus se contenter de l’inaction.
Que peut faire l’Europe ?
Foreign Affairs propose une feuille de route pour une action européenne crédible :
- Mobiliser son influence financière encore sous-utilisée.
- Offrir un soutien concret aux partisans de la paix.
- Confronter les fauteurs de violence, quel que soit leur camp.
- Protéger les acteurs locaux qui œuvrent pour la vérité.
- Soutenir l’action des Nations Unies.
- Maintenir un engagement ferme envers le droit international.
- Surmonter les blocages internes, notamment les divergences de position sur Israël.
- Insister sur le fait qu’il est dans l’intérêt de l’Europe d’aider à construire un avenir stable pour les Israéliens et les Palestiniens.
- Mettre en place et financer une autorité de transition internationale pour Gaza, inspirée des précédents du Cambodge ou du Timor oriental.
- Prendre des mesures fermes contre les entités qui détruisent ou s’approprient l’infrastructure financée par l’UE en Cisjordanie et à Gaza.
- Réduire la dépendance totale des Gazaouis à l’aide extérieure et fixer des standards ambitieux pour la reconstruction.
- Mettre à profit son expertise dans la construction durable pour reconstruire Gaza.
- S’opposer à toute tentative de déplacement ou d’annexion de la population palestinienne.
- Renforcer le soutien aux ONG locales œuvrant pour la paix dans un esprit de respect mutuel.
- Mettre en lumière et diffuser les efforts pacifiques de la société civile israélienne et palestinienne.
- S’opposer fermement à la proposition israélienne de taxer l’aide extérieure destinée aux ONG pacifistes.
- Promouvoir la création d’une « Assemblée de la paix » réunissant des citoyens israéliens et palestiniens sélectionnés au hasard sur territoire neutre.
- Défendre la libre circulation de l’information factuelle.
- Refuser toute intimidation à l’encontre des juridictions internationales.
- Supprimer les exemptions de visa pour les colons israéliens.
- Corriger l’asymétrie actuelle, qui impose des visas aux Palestiniens de Cisjordanie, mais pas aux colons vivant sur la même terre.
- Lutter contre les bulles de désinformation numérique en imposant plus de transparence aux plateformes sociales.
- Réviser l’accord d’association UE-Israël datant de 2000.
- Envisager sa suspension, ou celle des sommets bilatéraux et programmes comme Erasmus+.
Suspendre temporairement les avantages commerciaux accordés à Israël pour envoyer un message politique clair.