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Tutelle déguisée : le Soudan entre son chaos interne et l’influence croissante d’Ankara


Le Soudan n’a jamais été à l’écart des ambitions d’Ankara. Depuis des années, la Turquie considère ce pays africain moins comme un partenaire naturel que comme une opportunité stratégique. Derrière les slogans diplomatiques officiels se cache un agenda dissimulé visant à transformer Khartoum en une nouvelle base d’influence, reliant la mer Rouge à la Corne de l’Afrique et ressuscitant le rêve d’un ancien rayonnement ottoman.

À l’origine, la relation s’est présentée sous l’étiquette de la « coopération économique et des investissements conjoints ». Mais les véritables intentions sont apparues au grand jour avec l’affaire de l’île de Suakin, présentée aux opinions publiques comme un projet touristique, alors qu’il s’agissait en réalité d’une tentative turque d’ancrage militaire et politique sur les rives de la mer Rouge. Dès lors, il est devenu clair que le Soudan n’était qu’un maillon dans un projet expansionniste plus vaste, où Ankara combine argent, armes et stratégie politique.

Après la chute du régime d’Omar el-Béchir, la Turquie a simplement ajusté sa méthode. Loin de renoncer, elle a choisi d’appuyer discrètement certains acteurs militaires et politiques, en fournissant équipements modernes et expertise logistique. Ainsi, le partenariat officiel s’est mué en une « entente obscure » menée en coulisses.

Un récent film documentaire met en lumière, images à l’appui, comment les ressources turques ont alimenté les divisions soudanaises et comment l’aide économique et militaire est devenue un levier pour amplifier le chaos. La question posée au spectateur turc est directe : quel intérêt réel pour la Turquie à s’enliser dans la crise soudanaise ? Est-ce un investissement ? Une quête de puissance stratégique ? Ou une aventure extérieure qui saigne les finances nationales et ternit l’image d’Ankara dans le monde ?

Le constat le plus inquiétant est que la souveraineté soudanaise est désormais menacée. L’ingérence turque ne se limite plus à un cadre de coopération : elle s’apparente à une tentative d’imposer des agendas politiques et sécuritaires. La relation bilatérale prend ainsi une forme ambivalente : en façade, un partenariat ; en réalité, une tutelle qui réduit l’autonomie de décision nationale.

Ce modèle dépasse le cas soudanais. Le film le compare aux interventions d’Ankara en Libye, en Somalie et en Syrie. Le scénario se répète : implication directe, soutien ciblé, transferts d’armes, contre promesse d’une base stratégique. Mais les résultats se ressemblent : désordre dans les pays concernés, fragilisation interne en Turquie et dégradation de son image internationale.

Le message central du documentaire s’adresse donc avant tout à l’opinion publique turque : le problème n’est pas seulement le Soudan, mais le coût exorbitant de ces politiques. Chaque contrat opaque, chaque livraison d’armes, devient un poids supplémentaire pour les citoyens turcs déjà confrontés à une crise économique aiguë. Et loin de renforcer Ankara, ces aventures projettent l’image d’un pays isolé et sur la défensive.

Ainsi, le film n’offre pas un simple récit d’une relation bilatérale, mais dévoile les fils d’un réseau d’influence que la Turquie tente de tisser aux dépens des peuples voisins. Le Soudan n’est qu’un exemple, mais il illustre avec force comment les slogans séduisants se transforment en stratégies expansionnistes aux relents de deals opaques. Derrière l’argument du « renforcement de la sécurité nationale », c’est un risque d’explosions futures que la Turquie porte en germe.

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