Trump et les centrales nucléaires ukrainiennes… Plus qu’un plan d’acquisition

Les réactions ont été partagées face à la proposition de Donald Trump concernant la prise de contrôle par les États-Unis des centrales nucléaires ukrainiennes, oscillant entre étonnement et spéculations sur les objectifs cachés.
Cette idée a été annoncée lors d’un appel téléphonique entre Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
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La Maison Blanche a indiqué que la prise de contrôle par Washington de ces installations offrirait « la meilleure protection possible » pour les infrastructures énergétiques de l’Ukraine, en plus de soutenir un secteur énergétique gravement affecté par la guerre, selon le journal américain New York Times.
Cependant, l’ambiguïté entourant l’étendue des discussions et la nature du « contrôle » proposé a soulevé des interrogations sur la faisabilité pratique et juridique de cette initiative, d’autant plus que l’Ukraine insiste sur le fait que les centrales nucléaires « appartiennent à l’État et au peuple », conformément à la Constitution et aux lois locales.
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Les intérêts de Washington
La majorité des centrales nucléaires ukrainiennes, héritées de l’époque soviétique, jouent un rôle clé dans le réseau énergétique du pays en guerre, fournissant jusqu’à deux tiers de l’électricité.
Bien que la Russie ait ciblé les centrales thermiques et hydroélectriques en Ukraine pour tenter de perturber son réseau électrique, elle a évité d’attaquer les installations nucléaires, de peur d’une catastrophe radioactive.
Dans ce contexte, le gouvernement ukrainien a commencé à planifier la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, arguant que cela constitue la seule solution pour garantir la sécurité énergétique à long terme.
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C’est ici qu’interviennent les intérêts commerciaux américains.
Peu avant la guerre, la société Westinghouse, spécialisée dans la technologie nucléaire, avait signé un accord avec Energoatom, la société nucléaire publique ukrainienne, pour construire cinq réacteurs.
Après l’intervention militaire russe, le nombre de réacteurs a été porté à neuf, et les deux entreprises se sont mises d’accord pour poursuivre leur coopération en déployant de plus petites centrales en Ukraine.
Pour Westinghouse, il s’agissait d’un grand succès après des années de lutte pour pénétrer le marché nucléaire ukrainien, dominé par Rosatom, le géant de l’énergie nucléaire russe.
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Westinghouse a un intérêt particulier pour la centrale nucléaire de Zaporijjia, qui comptait six réacteurs et utilisait avant la guerre du combustible et de la technologie fournis par Westinghouse.
Olga Koucharna, une experte ukrainienne en sécurité nucléaire, considère que la prise de contrôle par la Russie de la centrale de Zaporijjia a inquiété Westinghouse, qui redoutait un vol de sa propriété intellectuelle.
En 2023, le ministère de l’Énergie américain a averti Rosatom, dans une lettre, que la société pourrait faire face à des poursuites en vertu de la législation américaine si elle utilisait la technologie de Westinghouse dans cette centrale.
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Défis juridiques : Un obstacle constitutionnel à la privatisation
L’une des principaux obstacles à la proposition de Trump est la législation ukrainienne, qui interdit fermement la privatisation du secteur nucléaire. Toutes les centrales sont gérées par Energoatom, une société publique, qui est la plus grande source de revenus pour l’État, ayant généré près de 1,5 milliard de dollars de bénéfices en 2023.
Toute discussion sur un changement de cette situation représente un défi politique et populaire considérable dans un pays dont la mémoire collective reste marquée par les effets de la corruption et de la privatisation des secteurs stratégiques dans les années 1990.
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D’un point de vue opérationnel, la réhabilitation de la centrale de Zaporijjia, qui a subi des dommages considérables pendant la guerre, nécessiterait des investissements de plusieurs milliards de dollars et pourrait prendre jusqu’à cinq ans, selon les estimations des experts en énergie.
De plus, la destruction du barrage de Kakhovka, à proximité de la centrale, en 2023 a provoqué une pénurie de l’eau nécessaire pour le refroidissement, augmentant les risques d’accident nucléaire similaire à la catastrophe de Fukushima, surtout avec la dégradation des réacteurs qui, bien qu’étant fermés, nécessitent un entretien constant.
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Risques géopolitiques : Un jeu de pouvoir
Il est impossible de dissocier cette proposition du conflit plus large entre les États-Unis et la Russie, où la prise de contrôle des infrastructures essentielles de l’Ukraine constitue une partie de la guerre par procuration entre les deux pays.
D’autre part, toute intervention américaine directe dans le secteur nucléaire ukrainien serait perçue comme une provocation pour Moscou, qui pourrait répondre par une escalade militaire ou en augmentant son soutien aux groupes pro-russes dans les régions frontalières, compliquant ainsi les efforts ukrainiens pour reprendre le contrôle de leurs territoires.
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Scénarios et conséquences
Malgré le scepticisme ukrainien concernant la viabilité immédiate de la proposition, certains experts y voient une opportunité de renforcer la coopération technique avec Washington, comme le transfert de technologies nucléaires avancées ou la formation du personnel local.
Les discussions pourraient également ouvrir la voie à des accords de financement internationaux pour faciliter la reconstruction après la guerre, surtout avec le recul du soutien européen envers Kiev.
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Cependant, les pressions américaines pour privatiser le secteur nucléaire pourraient entraîner des crises internes en Ukraine.
Toute concession concernant les secteurs stratégiques est vue comme un compromis sur la souveraineté nationale, en particulier de la part de Trump, qui est accusé de privilégier les intérêts commerciaux par rapport aux considérations sécuritaires.