Tetteh révèle les principaux obstacles à la résolution de l’impasse politique en Libye

La représentante de l’ONU a identifié deux obstacles majeurs au rétablissement de la stabilité en Libye : l’absence d’une politique financière unifiée et la présence de mercenaires étrangers.
La crise libyenne perdure depuis 2011, soulevant une pression internationale croissante pour sortir de l’impasse politique. Pour expliquer les freins majeurs, la cheffe de la mission de l’ONU en Libye, Hanna Tetteh, a souligné deux facteurs essentiels : l’absence d’un cadre budgétaire national cohérent et la présence d’intervenants armés étrangers.
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Dans un entretien accordé à l’agence italienne Nova lundi soir, elle a illustré les dimensions multiples de la crise, du conflit sur les ressources économiques à l’ingérence étrangère qui nourrit la division et bloque toute avancée politique globale.
Sur la question financière, Tetteh a insisté sur l’importance cruciale d’un budget national unifié et d’un cadre politique homogène pour permettre les réformes économiques nécessaires. Elle a précisé que « débattre de l’allocation des ressources n’a aucun sens sans une direction gouvernementale capable d’élaborer un budget commun empêchant le gaspillage des fonds publics ».
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Elle a également évoqué les difficultés rencontrées par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye sur les questions budgétaires : « sans consensus politique sur un budget annuel définissant les marges de dépenses et les enveloppes par poste, il est difficile pour notre mission d’être entendue sur les montants alloués à chaque dépense, faute de référence à une politique financière plus large ».
Dans le volet économique, elle a souligné l’importance d’associer les parties prenantes libyennes dans l’identification des secteurs prioritaires à réformer, dans le cadre du processus multipartite de Berlin et de ses quatre groupes de travail, notamment le groupe économique. Tetteh a déclaré : « Dans le groupe économique, il est essentiel que nous impliquions les parties libyennes concernées afin de solliciter leurs propositions sur les secteurs économiques nécessitant une réforme ».
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La mission de l’ONU en Libye agit ainsi comme un pont, rassemblant les acteurs civils et non civils libyens au sein des groupes de travail de Berlin.
Parallèlement à la dimension financière, Tetteh a qualifié la présence de mercenaires étrangers sur le sol libyen comme l’« un des obstacles les plus graves et les plus exigeants » au retour de la stabilité et de la sécurité dans le pays. La mission de l’ONU travaille en continu sur ce dossier, malgré sa complexité.
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Elle a précisé que des mercenaires se trouvaient à l’est et à l’ouest, signalant que des discussions sont en cours avec des pays voisins, tels que le Tchad, ainsi qu’avec des organisations internationales, pour faciliter leur retour dans leur pays d’origine. Certains partent volontairement, tandis que d’autres s’y opposent. Malgré la difficulté du dossier, la mission considère qu’il existe une opportunité réelle de traiter et résoudre la question des combattants étrangers.
Les discussions engagent désormais les autorités civiles et sécuritaires libyennes des deux régions du pays afin de traiter ce problème structurant pour la stabilité nationale.
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Selon Nova, il n’existe aucune estimation officielle sûre du nombre de combattants étrangers en Libye, mais les documents les plus récents des Nations Unies font état d’environ 20 000 mercenaires, dont des Soudanais, Tchadiens, Syriens, Russes et Turcs.
La même source rapporte que les forces liées à Moscou, relevant du “Corps d’Afrique”, sont déployées à l’est, fournissant formation, matériel et technologie militaire à l’Armée nationale libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Haftar. Les bases russes principales sont celles de Jufra (280 km au sud de Syrte) et al-Khadem (180 km à l’est de Benghazi), où des avions de transport russes Il‑76 ont été observés.
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Les mercenaires turcs et syriens, envoyés sur ordre du président Erdoğan pour soutenir militairement le Gouvernement d’unité nationale de Tripoli, sont concentrés dans des camps périphériques à Tripoli. On estime initialement leur nombre à 7 000 Syriens, mais en 2023, environ 3 000 ont fui les camps pour se rendre en Europe, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres. Bien que non reconnus officiellement par Ankara, les documents de l’ONU indiquent que la société turque privée SADAT a recruté 5 000 combattants syriens pour combattre à Tripoli.
La Turquie maintient également une base aérienne à al-Watiya, à 127 km au sud-ouest de Tripoli et à 28 km de la frontière tunisienne. Les mercenaires tchadiens et soudanais, quant à eux, sont utilisés essentiellement par Haftar pour sécuriser la frontière entre la Libye, l’Égypte et le Soudan, lutter contre le trafic illégal et assurer le contrôle territorial.
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Au-delà du diagnostic, Tetteh propose une vision pour sortir de l’impasse : une approche ascendante centrée sur l’inclusion du peuple libyen. « Nous voulons toucher tous les Libyens », a-t-elle affirmé. Elle a précisé que cette démarche nécessite d’impliquer le plus grand nombre possible de citoyens pour élaborer une feuille de route politique destinée au Conseil de sécurité et approuvée par la volonté populaire.
Dans ce contexte, elle a évoqué un récent sondage lancé par la mission, qui a recueilli plus de 15 000 réponses à ce jour, pour montrer que l’ONU ne dicte pas depuis le sommet, mais écoute les aspirations libyennes. Elle insiste que l’un des piliers de son mandat est l’écoute des acteurs sociaux libyens pour comprendre leurs besoins, en accordant autant d’importance à leurs idées qu’à celles de l’élite politique.
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Ce choix porte la dimension « profondément libyenne » du processus politique, légitimant davantage le mandat de la mission et renforçant sa crédibilité.
Tetteh a indiqué qu’elle présentera un calendrier clair le 20 ou au plus tard le 21 août, précisant les étapes à suivre pour débloquer l’immobilisme politique en Libye depuis 2011.
Elle a enfin souligné que l’ONU souhaite recueillir les avis de toutes les composantes de la société libyenne. Pour cela, elle et sa collaboratrice Stéphanie Khoury ont visité plusieurs villes, conseils municipaux, organisations sociales, femmes, jeunes et personnes affectées par le régime Kadhafi. À titre d’exemple, elles ont visité Tarhouna, à 90 km au sud de Tripoli, pour mieux comprendre les perspectives locales du processus politique. Le plan présenté au Conseil de sécurité reste en cours de finalisation.
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Par ailleurs, Tetteh rappelle que la réforme du code électoral est « une condition sine qua non pour organiser des élections » et participe à un travail avec les comités consultatifs nationaux pour aboutir à un accord sur la loi électorale. Ce projet inclut plusieurs recommandations : dissocier l’élection législative de la présidentielle, encadrer la participation politique des militaires, réglementer les conditions pour les candidats présidentiels à double nationalité, et instaurer un second tour obligatoire si aucun candidat n’atteint 50 % des voix.
Elle recommande également de renforcer la représentation féminine à 30 % au Parlement et à 15 % au Conseil supérieur de l’État, ainsi que l’indépendance institutionnelle de la commission électorale.
Tetteh précise enfin qu’un futur cadre constitutionnel devra être adopté par tous les Libyens, et que la mission de l’ONU jouera un rôle actif dans la rédaction d’une nouvelle Constitution.