Politique

Somalie : guerre contre le terrorisme au sud et fractures politiques au nord


Dans un contexte mêlant défis sécuritaires chroniques et tensions politiques renouvelées, la Somalie traverse une phase critique où les priorités de la lutte contre le terrorisme croisent la bataille pour une redéfinition de la carte politique au nord du pays.

Alors que l’armée nationale progresse sur le terrain face aux combattants d’Al-Shabaab dans la région du Bas-Shabelle, une nouvelle crise éclate dans les régions de Sool et Sanaag, menaçant d’ouvrir un front intérieur aussi dangereux que la lutte contre les groupes terroristes.

Opération ciblée

Le ministère somalien de la Défense a annoncé mardi que les forces spéciales « Danab » ont mené une opération militaire de grande envergure dans la région de Baghdad, située dans le Bas-Shabelle, visant des positions stratégiques d’Al-Shabaab, affilié à Al-Qaïda.

L’opération, lancée de nuit, a permis la destruction de quatre embarcations utilisées pour transporter armes et combattants sur le fleuve Shabelle, ainsi que de postes de commandement, de dépôts d’armes et de plateformes d’attaque.

Cette offensive, qualifiée de « douloureuse » par le ministère, s’inscrit dans une stratégie plus large visant à démanteler les réseaux logistiques du groupe, illustrant l’efficacité croissante de la coordination entre les unités de terrain et les services de renseignement. Elle confirme l’engagement du gouvernement à assécher les sources du terrorisme.

Crise à Sool et Sanaag

Pendant ce temps, le nord du pays s’oriente vers un affrontement politique potentiellement explosif, avec l’escalade des tensions entre l’État de Puntland et le gouvernement fédéral au sujet de la présence militaire supposée dans les régions disputées de Sool et Sanaag, que revendique également l’administration de Khatumo, soutenue par Mogadiscio.

Dans un discours à tonalité offensive, le président de Puntland, Saïd Abdullahi Deni, a mis en garde les dirigeants de Khatumo contre toute tentative de franchir les limites de leur autorité, affirmant que l’avenir de Sanaag « est une décision relevant de Puntland ».

Ce discours a été prononcé lors d’une allocution devant de nouvelles recrues militaires dans la ville de Qardho, selon des médias locaux somaliens.

De son côté, le ministre fédéral de la Défense, Ahmed Moalim Fiqi, a nié l’envoi de troupes dans les zones contestées, qualifiant ces accusations de tentative de diversion visant à dissimuler « l’incapacité de certaines parties à répondre aux aspirations populaires ». Il a aussi dénoncé un discours contradictoire accusant le gouvernement d’échouer à sécuriser la capitale tout en prétendant qu’il cherche à imposer son contrôle sur le nord.

Le démenti officiel est intervenu après une série de déclarations virulentes de Puntland accusant le gouvernement d’ingérence, tenant ce dernier responsable de toute escalade future, et imposant des restrictions sécuritaires dans la région de Sanaag, accompagnées d’un déploiement de renforts militaires.

Ce regain de tensions survient alors que le ministère somalien de l’Intérieur a annoncé la formation d’un comité technique chargé de superviser la phase finale de l’établissement de l’État de Khatumo, et fixé la date du 10 juillet pour une conférence consultative à Las Anod, destinée à discuter de l’avenir et de la structure de gouvernance de cette entité.

Les racines d’une crise durable

La tension à Sool et Sanaag n’est pas nouvelle ; elle s’inscrit dans un conflit géopolitique et clanique ancien entre Puntland et Khatumo, exacerbée par la reconnaissance officielle accordée par le gouvernement fédéral à Khatumo comme « administration transitoire », ce qui lui a conféré une légitimité institutionnelle et renforcé sa dynamique d’affirmation.

Ces zones disputées revêtent une importance stratégique et sont marquées par un enchevêtrement tribal complexe entre les clans Darod et Isaaq, ce qui donne au conflit une dimension sociale profonde, au-delà des simples enjeux administratifs.

Alors que certains leaders tribaux s’efforcent de jouer les médiateurs pour calmer les tensions, les mesures prises par Puntland — telles que les restrictions sécuritaires et les déploiements militaires — laissent penser que l’option du face-à-face reste sérieusement envisagée, notamment à l’approche de la conférence du 10 juillet, considérée comme un moment charnière par les observateurs du dossier somalien.

Alors que le gouvernement fédéral engrange des succès militaires contre le terrorisme au sud, il se trouve confronté à une crise politique aiguë au nord, qui menace de faire éclater un équilibre fédéral déjà fragile et d’ouvrir de nouvelles lignes de fracture interne susceptibles de compromettre les efforts de stabilisation.

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