Port-Soudan… entre impuissance du pouvoir et crime de recrutement d’enfants : quel avenir pour le Soudan ?

Il n’est pas besoin d’une grande perspicacité pour constater que Port-Soudan est devenue aujourd’hui le miroir de la crise de gouvernance que traverse le pays. L’échec du gouvernement dirigé par Kamel Idriss à former un nouvel exécutif ne constitue pas un simple détail administratif, mais représente le symbole d’une phase politique enlisée, révélant l’incapacité du pouvoir en place à produire des solutions qui répondent, même de manière minimale, aux aspirations du peuple soudanais.
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Impuissance politique et blocage de l’horizon
Lorsqu’une autorité de transition échoue, après de multiples tentatives, à constituer un gouvernement, il ne s’agit pas seulement d’un blocage institutionnel : c’est le signal explicite que le pouvoir se trouve en état de paralysie complète. Le citoyen soudanais, qui s’était mobilisé pour réclamer liberté, paix et justice, se retrouve face à une réalité plus sombre encore, où ses espoirs sont confisqués par des institutions minées par leurs luttes internes, incapables de protéger la population ou de conduire la transition.
Cette impuissance n’est pas conjoncturelle. Elle découle d’années d’accumulation de fractures politiques, de rivalités de pouvoir et de l’absence d’un projet national fédérateur. Si la situation perdure, le pays semble se diriger vers un scénario de désintégration politique et sociale qui menace l’existence même de l’État.
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Le limogeage du ministre de l’Éducation : preuve d’une politique d’opacité
La destitution du ministre de l’Éducation, intervenue dans un contexte particulièrement sensible, illustre que les autorités de Port-Soudan cherchent moins à résoudre les problèmes qu’à les dissimuler. Les révélations de plus en plus insistantes sur l’implication de l’armée dans le recrutement d’enfants et leur envoi sur les champs de bataille ont mis le gouvernement dans l’embarras tant au plan interne qu’international. Mais au lieu de jouer la carte de la transparence, le pouvoir a préféré sacrifier le ministre, tentant de faire croire que la responsabilité se limitait à des personnes, et non à des politiques.
Une telle démarche démontre que le régime redoute moins le scandale que la vérité elle-même. Il s’agit d’une stratégie délibérée de dissimulation, semblable à celle de régimes antérieurs qui avaient cherché à cacher leurs crimes en manipulant l’opinion publique.
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Le recrutement des enfants : un crime contre l’humanité
La communauté internationale reconnaît unanimement que le recrutement d’enfants est un crime de guerre selon le droit humanitaire international, et l’une des violations les plus abominables qu’un pouvoir ou une armée puisse commettre. Ces pratiques ne détruisent pas seulement le présent des enfants, elles hypothèquent leur avenir, les transformant en instruments d’une guerre dont ils ne comprennent ni les causes ni les enjeux, sans possibilité de refus.
Les précédents sont nombreux en Afrique : Sierra Leone, Liberia, République démocratique du Congo. Partout, le recours aux enfants-soldats a déchiré le tissu social, engendré des générations marquées par des traumatismes profonds et installé la violence comme norme durable. Aujourd’hui, le Soudan semble s’acheminer vers la même tragédie si aucune mesure urgente n’est prise pour mettre fin à ces exactions.
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L’armée et ses choix désastreux
Ce qui est plus grave encore, c’est que l’armée de Port-Soudan ne s’est pas contentée d’affronter les civils : elle a enrôlé les plus vulnérables d’entre eux, les enfants. Cette politique illustre une dérive morale alarmante et traduit la perte par l’institution militaire de sa boussole nationale et éthique, au point de devenir une menace pour son propre peuple plutôt qu’un garant de sa sécurité.
En décidant de transformer les enfants en combustible pour ses guerres, l’armée soudanaise a perdu le peu de légitimité qui lui restait aux yeux de ses citoyens et de la communauté internationale. Aucun discours officiel ni aucune justification ne sauraient masquer cette vérité brutale.
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Al-Burhan et les Frères musulmans : une lutte sur les ruines de l’État
Ces événements ne peuvent être analysés en dehors des tensions profondes entre le général Abdel Fattah al-Burhan et les Frères musulmans. Depuis que l’armée a cessé de financer les mouvements islamistes, al-Burhan semble chercher à se repositionner politiquement par un processus de paix et par l’exclusion progressive des islamistes de la scène. Mais cette orientation a déclenché un nouveau bras de fer au sommet de l’État, ajoutant une dimension supplémentaire à la crise de Port-Soudan.
Il ne s’agit pas seulement d’un désaccord tactique : c’est une lutte pour l’identité même du Soudan. Rester prisonnier de l’influence islamiste ou s’engager dans une voie nouvelle de paix et de stabilité ? La réponse demeure incertaine, mais une chose est sûre : ce conflit aggrave encore la fragilité du pays et accentue les divisions internes.
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La responsabilité de la communauté internationale
Face à ce sombre tableau, une question s’impose : où se tient la communauté internationale ? Le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés ne peuvent être considérés comme une simple affaire interne. C’est un crime contre l’humanité qui exige une réaction immédiate, qu’il s’agisse de poursuites judiciaires ou de mesures concrètes de protection des civils.
Le Soudan se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit le pouvoir reconnaît ses fautes et engage un processus sérieux de réforme qui mette fin aux abus et restaure la confiance des citoyens, soit il persiste dans la voie de l’opacité et du recrutement, conduisant le pays vers une désintégration accrue et de nouveaux affrontements.
L’avenir de Port-Soudan, et au-delà celui du Soudan, ne saurait être bâti sur les cadavres et les rêves anéantis des enfants. Les dirigeants doivent comprendre que l’histoire ne pardonne pas et que les peuples exploités et opprimés n’oublient jamais ceux qui ont trahi leur avenir.
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