Organiser al-Qaïda : reste-t-il le plus dangereux acteur du djihad mondial ?
Alors que l’activité de plusieurs groupes jihadistes régionaux s’intensifie, al-Qaïda demeure au centre des interrogations quant à sa capacité à rivaliser ou à conserver une influence sur la scène sécuritaire internationale. Ces dernières années, l’attention médiatique et opérationnelle est souvent passée à l’organisation État islamique et à ses branches, mais al-Qaïda continue de représenter une menace sérieuse, notamment en raison de ses mutations organisationnelles, de sa montée en état de préparation et de son adaptation à des environnements sécuritaires changeants.
Selon une analyse publiée par le Centre arabe d’études sur l’extrémisme, al-Qaïda « n’a pas disparu », contrairement à ce que certains estiment ; elle a plutôt modifié sa stratégie : d’une direction centralisée opérant depuis l’Afghanistan, le mouvement a évolué vers des réseaux régionaux plus décentralisés et plus mobiles.
Le rapport souligne que la direction historique du groupe a subi des pressions considérables après la mort ou l’arrestation de plusieurs cadres, ce qui a poussé al-Qaïda à renforcer ses filiales locales en Afrique et en Asie du Sud, et à privilégier des coopérations accrues avec des mouvements rebelles ou des groupes locaux plutôt que de viser systématiquement des attentats spectaculaires à portée internationale.
Parallèlement, l’organisation a réinvesti les médias numériques et la propagande jihadiste, en tirant parti des réseaux sombres et des crypto-monnaies. Cette utilisation accrue des canaux clandestins lui offre une capacité de recrutement et de transfert de fonds moins visible, rendant sa neutralisation plus complexe que celle de groupes qui contrôlent des territoires fixes et s’exposent médiatiquement.
En Afrique, les branches d’al-Qaïda, notamment dans la zone du Sahel et du grand Sahara, figurent parmi les plus actives. Les vides sécuritaires qui caractérisent ces régions en font des terrains propices aux opérations qu’al-Qaïda supervise ou finance, ce qui lui confère une influence régionale tangible malgré l’affaiblissement de son centre traditionnel.
Au Proche-Orient, la réorganisation de ses structures traduit une approche de « patience stratégique » : al-Qaïda n’engage pas systématiquement de nouveaux fronts, préférant tisser des alliances locales et se présenter comme une alternative viable dans les architectures politiques et sociales locales.
Les observateurs concluent qu’il serait inexact d’affirmer qu’al-Qaïda domine aujourd’hui la scène mondiale avec la même intensité qu’avant 2010. Toutefois, l’organisation n’est ni obsolète ni marginale : elle a amorcé une phase de décentralisation qui pourrait la rendre paradoxalement plus dangereuse. Sa capacité à se fondre dans l’ombre, à se disperser en cellules résilientes et à exploiter des canaux financiers et de communication opaques accroît la difficulté à la détecter et à la contrer.
