Grand Maghreb

« Oncle Tebboune » : Une chanson de rap qui déplore l’état de la « Nouvelle Algérie »


Lotfi Double Kanon atteint des records de vues sur les plateformes sociales avec une nouvelle œuvre mettant en lumière la détérioration des conditions économiques et politiques sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune.

L’artiste de rap algérien Lotfi Double Kanon a suscité un large débat et une forte interaction sur les réseaux sociaux avec sa chanson « Oncle Tebboune« . Dans cette œuvre, il critique violemment le régime tout en soulignant la dégradation de la situation sociale.

La chanson a atteint un million de vues en une journée seulement, provoquant des réactions variées parmi les internautes. Certains saluent le courage de l’artiste pour avoir abordé des questions de corruption et de détérioration actuelle, tandis que d’autres s’opposent au message politique véhiculé par les paroles.

Avec un style audacieux, Double Kanon exprime le désarroi des jeunes, confrontés à des drames tels que la mort en mer ou l’addiction aux drogues, symbolisée par l’expression « Blida, mon amour ». Il aborde également l’émigration clandestine de masse, évoquant la transformation d’un quartier parisien en « quartier d’Annaba ». L’artiste critique aussi Tebboune pour la crise avec la France et la montée de l’extrême droite due à « l’invasion des Algériens dans les rues de la capitale française ».

À travers des images de manifestations étudiantes, il met en avant la violence dans les rues, la répression policière et le silence imposé par les autorités. Il dénonce la domination du régime, y compris dans les mosquées où les imams n’osent plus prêcher librement. Il critique également les médias algériens et les organes de propagande qui ignorent ces pratiques répressives, affirmant que « la vérité n’est plus dite ».

La chanson se termine par un segment hautement politique, revenant sur les dernières élections présidentielles. L’artiste souligne le boycott massif des élections et qualifie leurs résultats de « mensongers », posant une question sarcastique : « Est-ce que 5,63 millions d’électeurs sur 24 millions inscrits équivalent à 48 % ? »

Cette chanson reflète une réalité vécue dans un pays pétrolier où les conditions sociales devraient être meilleures. Elle met en lumière des sujets souvent tabous en Algérie, bien qu’ils témoignent du mécontentement général face à la pauvreté croissante, au chômage et à l’émigration clandestine vers l’Europe.

Il n’est pas encore clair si l’artiste sera poursuivi en justice ou subira des restrictions, mais le régime algérien a l’habitude de réprimer ses détracteurs. Une militante et artiste algérienne a déjà été arrêtée et jugée pour avoir critiqué les politiques du régime dans ses œuvres.

Ce n’est pas la première fois que Lotfi Double Kanon s’attaque aux dirigeants algériens. Il avait déjà critiqué l’ancien président Abdelaziz Bouteflika lors de sa candidature pour un quatrième mandat. Ses chansons pointent régulièrement les échecs du gouvernement à gérer les affaires locales et à trouver des solutions concrètes pour améliorer les conditions sociales.

Classé parmi les artistes interdits de chanter en Algérie, Lotfi a été absent de la scène artistique locale depuis de nombreuses années, victime de campagnes de dénigrement orchestrées par les autorités.

Les réseaux sociaux ont largement réagi aux thèmes abordés dans la chanson, jugeant qu’elle restait fidèle à l’esprit du rap, qui vise à transmettre les préoccupations des jeunes et des différentes classes sociales. Sur Facebook, un utilisateur a écrit sur la page « La voix du peuple » : « Un message exceptionnel du leader du rap ».

Sur la plateforme X, un utilisateur nommé Lévi a tweeté : « Écouter la nouvelle chanson de Lotfi, c’est comme revenir dans le passé… Comme toujours, des paroles percutantes, opposées au régime, réclamant la liberté et traitant des enjeux de la nation. »

La journaliste tunisienne Sana Majri a salué sur sa page Facebook la qualité de la chanson, affirmant qu’elle marquait le retour d’un rap engagé qui critique et expose les souffrances du peuple.

Le président algérien fait face à de nombreuses critiques, notamment sur les libertés, alors que plusieurs militants et journalistes opposés à ses politiques croupissent en prison pour des accusations que leurs défenseurs qualifient de « fabriquées ». Beaucoup dénoncent également le blackout médiatique imposé par les autorités pour dissimuler des violations sociales et politiques.

Depuis son accession au pouvoir en 2019, Tebboune a tenté de se rapprocher des Algériens, se présentant comme un président issu du peuple, bien que désigné par l’armée. Lors d’un entretien en mars dernier, il s’est déclaré fier du surnom populaire « Oncle Tebboune« .

Lors de sa dernière campagne électorale, il a mis l’accent sur l’amélioration des conditions socio-économiques sous son mandat. Pendant plusieurs mois, il a cherché à mettre en avant son rôle dans la relance du « troisième plus grand pays économique d’Afrique », après une décennie qualifiée de « gouvernance de gangsters », en référence à l’ancien régime de Bouteflika.

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