Négation de filiation : le spectre de l’interdiction secoue les Frères musulmans aux États-Unis et en Europe
Face à un resserrement croissant des politiques de surveillance en Europe et aux États-Unis, les Frères musulmans semblent opter pour une stratégie d’effacement identitaire. L’objectif : nier leur appartenance directe au mouvement afin de brouiller les pistes, se réinventer sous de nouveaux visages et échapper à la menace d’interdiction qui plane sur eux après des décennies d’activité libre en Occident.
Plusieurs enquêtes et rapports récents ont incité les autorités occidentales à examiner de près les activités du réseau mondial des Frères musulmans, notamment ses ramifications dans les domaines associatif, économique et religieux. Ces investigations pourraient déboucher sur une interdiction partielle ou totale de ses organisations affiliées, notamment aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni.
Réunions stratégiques et restructuration de façade
Pour anticiper ces évolutions, le mouvement a tenu une série de réunions de haut niveau, présidées par Mahmoud Al-Ibiary, secrétaire général du groupe basé à Londres. Selon des sources internes, ces réunions ont réuni plusieurs dirigeants clés, dont l’homme d’affaires palestinien Abdel Rahman Aboudieh, afin d’élaborer un plan global de « dissimulation identitaire » destiné à protéger les institutions du mouvement à l’étranger.
Le plan, baptisé officieusement « Effacement de l’identité des Frères », vise à transférer la propriété officielle de nombreuses associations, entreprises et structures soupçonnées d’appartenance au mouvement vers des individus extérieurs. Ces transferts ne seraient que symboliques, permettant aux Frères musulmans de conserver un contrôle effectif tout en évitant les sanctions légales ou administratives.
Parallèlement, des changements de noms et d’activités sont prévus afin de donner à ces institutions une apparence de renouvellement et de neutralité politique. Le processus, censé s’étaler sur six mois, vise à garantir la continuité des flux financiers et des opérations logistiques du réseau mondial tout en rendant plus difficile toute tentative d’interdiction officielle.
Un précédent britannique
Cette stratégie n’est pas nouvelle. En 2014, après l’enquête menée par la commission dirigée par Sir John Jenkins au Royaume-Uni sous le gouvernement de David Cameron, le mouvement avait déjà entrepris un vaste processus de rebranding. Plusieurs de ses institutions avaient alors été renommées ou restructurées afin d’apparaître comme indépendantes du mouvement, évitant ainsi une interdiction formelle malgré les soupçons persistants de radicalisme.
Des analyses publiées par le Centre international pour l’étude de la radicalisation et de la violence politique du King’s College de Londres ont par la suite confirmé que ces modifications visaient avant tout à contourner la surveillance étatique et à maintenir un réseau d’influence sous une apparence légale.
Le rôle du CAIR aux États-Unis
Aux États-Unis, le Council on American-Islamic Relations (CAIR) occupe une place centrale dans ce dispositif. Officiellement présenté comme une organisation de défense des droits civiques des musulmans américains, le CAIR est fréquemment accusé par plusieurs rapports indépendants d’entretenir des liens idéologiques et financiers avec les Frères musulmans.
Des sources proches du mouvement indiquent que les dirigeants du CAIR ont récemment alerté leurs homologues du bureau international des Frères musulmans sur le climat politique américain, soulignant que « des jours difficiles s’annoncent » pour les institutions islamistes. Cette inquiétude fait écho à des initiatives parlementaires récentes : en août dernier, le sénateur républicain Ted Cruz a présenté un projet de loi visant à classer les Frères musulmans parmi les organisations terroristes.
De son côté, le secrétaire d’État américain Mike Rubio a déclaré quelques jours plus tard que Washington envisageait sérieusement de restreindre, voire d’interdire, leurs activités, les qualifiant de menace croissante pour la sécurité nationale.
Un recentrage tactique
Face à ce contexte, la direction internationale du mouvement a ordonné la suspension temporaire de toutes les activités liées à la question palestinienne, notamment celles associées directement ou indirectement au Hamas. Le but : réduire la visibilité du lien entre les Frères musulmans et les réseaux palestiniens afin d’éviter de nouveaux motifs de proscription.
Le mouvement compte également sur la rotation de ses dirigeants : des cadres non palestiniens sont progressivement nommés à la tête de certaines branches occidentales afin de modifier l’image publique des organisations affiliées.
Entre stratégie et survie
Les Frères musulmans se trouvent aujourd’hui à un tournant. Entre la dissimulation identitaire, les transferts d’actifs fictifs et la réorganisation institutionnelle, le mouvement tente de préserver ses structures face à une pression politique sans précédent. Mais cette stratégie de « changement de peau » pourrait à terme se
retourner contre lui, renforçant la méfiance des autorités et accélérant les appels à sa désignation comme organisation terroriste à l’échelle transatlantique.
