Muslim Interaktiv : l’Allemagne arrache le visage numérique des Frères musulmans
Ce n’était pas simplement une manifestation d’exaltation religieuse, mais une démonstration d’idéologie extrémiste : des visages tendus, portés par la ferveur du radicalisme, scandant des slogans des Frères musulmans à Hambourg. Pour les autorités allemandes, cette scène représentait une menace qu’il fallait affronter, non tolérer.
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C’est à la suite de cette marche organisée l’an dernier par l’association Muslim Interaktiv à Hambourg, où les participants brandissaient des pancartes clamant « le califat est la solution » et affichaient une coordination rappelant celle de groupes paramilitaires, que Berlin a décidé d’agir.
Mercredi, le ministère allemand de l’Intérieur a annoncé l’interdiction de Muslim Interaktiv, une mesure considérée comme un coup sévère porté à un réseau de propagande et de recrutement qui s’était construit sur Internet.
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Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, a affirmé : « Nous ne permettrons pas à des organisations comme Muslim Interaktiv de saper notre société libre avec leur haine, de mépriser notre démocratie et d’attaquer notre pays de l’intérieur. »
Le ministère a expliqué que les activités et les objectifs de cette organisation étaient incompatibles avec l’ordre constitutionnel allemand et avec les principes de compréhension entre les peuples.
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Muslim Interaktiv se présente comme la figure de proue d’une nouvelle génération de groupes affiliés aux Frères musulmans, concentrant son discours sur les jeunes et cherchant à les attirer à travers un contenu numérique percutant.
Basée principalement à Hambourg, la mouvance s’est également manifestée à Berlin. Apparu sous ce nom en 2020, ce collectif regroupe des migrants issus de divers horizons ainsi que des Allemands d’origine étrangère, transformant ses actions en ligne en mobilisations de rue.
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Une organisation au visage moderne
Les membres du groupe adoptent un uniforme noir distinctif — casquettes, chemises et symboles identiques. Depuis sa création, Muslim Interaktiv diffuse des vidéos très travaillées sur les réseaux sociaux, exploitant les épisodes d’islamophobie en Europe pour susciter l’indignation et recruter de nouveaux adeptes.
Selon les services de renseignement intérieur de Hambourg, le mouvement s’inspire idéologiquement du Hizb ut-Tahrir, parti interdit en Allemagne depuis 2003 pour son appel à l’usage de la force afin d’imposer ses objectifs politiques.
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Sur Internet, Muslim Interaktiv se décrit comme un collectif « d’activistes politiques », rejetant toute appartenance à « l’islam politique » ou à l’extrémisme, tout en reprenant les codes de la rhétorique frériste. Comme d’autres groupes similaires, il nie tout lien direct avec les Frères musulmans mais opère dans une logique d’influence discrète.
Le chef du groupe, Joe Addadi Boateng, alias Rahim Boateng, est un jeune étudiant à l’Université de Hambourg qui se présente comme futur enseignant. Cependant, il est également un influenceur islamiste actif sur Instagram et TikTok, où il aborde les discriminations vécues par les musulmans en Allemagne.
Les plateformes du mouvement — X (ancien Twitter), Facebook, TikTok et YouTube — cumulent des milliers d’abonnés et des millions de vues sur leurs vidéos de propagande.
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Une montée en puissance préoccupante
D’après le quotidien Die Welt, Boateng et son groupe exploitent le contexte de la guerre à Gaza pour accuser les responsables politiques allemands de complicité dans la mort de civils palestiniens. Leur discours attire de plus en plus de sympathisants, y compris des femmes, et leurs rassemblements ne cessent de croître.
Alors que leurs premières manifestations entre 2020 et 2021 ne rassemblaient qu’une vingtaine de personnes, les chiffres sont montés à 160 participants en 2022, puis à 3 500 en 2023. En novembre de la même année, une vaste marche organisée à Essen a suscité de fortes inquiétudes sécuritaires et un débat politique.
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Pour Marco Haase, porte-parole du renseignement intérieur, Muslim Interaktiv exploite chaque crise — qu’il s’agisse d’attentats racistes ou de débats sociétaux — pour propager le radicalisme et recruter des partisans.
Le groupe dénonce régulièrement sur Internet la « dictature des valeurs » et le « lavage culturel » en Allemagne, appelant à « briser ces chaînes ». Cette rhétorique séduit une partie de la jeunesse musulmane en quête d’identité.
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Contrairement aux mouvements islamistes traditionnels, les membres de Muslim Interaktiv troquent les longues barbes et les djellabas pour des casquettes, des sweats et des voitures de luxe, affichant une image moderne et urbaine.
Selon le magazine Der Spiegel, cette stratégie repose sur la manipulation des frustrations et des crises identitaires des jeunes, suivant un modèle similaire à celui des mouvements identitaires d’extrême droite en Europe. Une convergence inquiétante qui révèle la naissance d’une nouvelle génération de militants radicaux.
