Messages de Washington à Khartoum : pas d’immunité pour les seigneurs de guerre sous le manteau de l’État

La décision américaine d’imposer des sanctions au ministre soudanais des Finances, Jibril Ibrahim, et au « Bataillon Al-Baraa Ibn Malik » n’a rien d’anodin. Cette initiative intervient à un moment où le Soudan traverse l’une des phases les plus complexes de son histoire depuis l’indépendance, mêlant guerre civile, rivalités régionales et enjeux internationaux. Les sanctions ne se réduisent donc pas à une mesure économique : elles s’inscrivent dans une équation politique nouvelle que Washington tente de dessiner pour le Soudan.
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Les sanctions américaines contre Jibril Ibrahim et le “Corps al-Baraa ibn Malik” : des messages qui dépassent le Soudan
Jibril Ibrahim : le ministre resté sous l’emprise du mouvement
Issu des rangs du Mouvement pour la justice et l’égalité, Jibril Ibrahim est parvenu à la tête du ministère des Finances, sans jamais se détacher de sa double identité : responsable gouvernemental et chef de faction armée. Cette dualité constitue, aux yeux des États-Unis, une menace à double tranchant : d’un côté, le risque de voir les ressources de l’État servir une milice ; de l’autre, la transformation d’une institution souveraine en outil de perpétuation du conflit. Ainsi, les sanctions ne visent pas seulement sa personne, mais adressent aussi un avertissement aux mouvements armés du Darfour : l’accès au pouvoir ne garantit aucune immunité internationale.
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Le « Bataillon Al-Baraa Ibn Malik » : l’essor du discours idéologique
Le danger majeur du paysage soudanais actuel ne réside pas uniquement dans l’affrontement entre l’armée et les Forces de soutien rapide, mais également dans l’émergence de factions à référence idéologique mobilisant le lexique religieux. Le « Bataillon Al-Baraa Ibn Malik » illustre cette tendance : un groupe qui brandit la bannière du « jihad » dans une guerre aux ressorts d’abord politiques et économiques. Son inscription sur la liste des sanctions traduit la crainte américaine de voir le Soudan devenir un nouveau foyer de l’extrémisme, compte tenu de sa position stratégique dans la Corne de l’Afrique et à proximité de la mer Rouge.
Le déclaré et le latent dans la stratégie américaine
Le discours officiel justifie les sanctions par la volonté de tarir le financement de la guerre et de protéger les civils. Mais une lecture politique approfondie révèle d’autres objectifs :
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- freiner l’influence russe, le commerce de l’or soudanais constituant un canal vital pour les réseaux de Wagner ;
- reconfigurer le champ politique local en traçant une frontière entre forces « acceptables » et « infréquentables » ;
- adresser un message régional aux bailleurs des factions soudanaises : persister dans le financement expose aux mêmes sanctions.
Les répercussions internes
Les sanctions produisent des effets contradictoires sur la scène intérieure :
- elles fragilisent l’image de Jibril Ibrahim, compliquent la gestion de son ministère et minent la crédibilité du gouvernement auprès des institutions internationales ;
- elles offrent à l’opposition un argument pour nourrir le discours de « complot occidental », exacerbant la polarisation et entravant toute tentative de coalition politique.
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Les scénarios possibles
- montée en puissance des pressions internationales, avec de nouvelles vagues de sanctions visant d’autres acteurs, ce qui pourrait pousser les parties au dialogue ;
- contournement des sanctions grâce à un soutien régional parallèle, prolongeant la guerre tout en accentuant l’isolement du Soudan ;
- aggravation de la fragmentation interne, si les sanctions continuent à frapper les rouages de l’État, ouvrant la voie à l’expansion des milices idéologiques.
Les sanctions américaines contre Jibril Ibrahim et le « Bataillon Al-Baraa Ibn Malik » marquent un tournant dans l’approche internationale de la crise soudanaise. Elles signalent que la communauté mondiale perd patience face aux seigneurs de guerre et que la légitimité interne ne suffit plus à protéger les acteurs de la reddition de comptes. Mais une interrogation demeure : ces mesures ouvriront-elles la voie à une solution politique, ou précipiteront-elles le Soudan dans un cycle accru d’isolement et de radicalisation ?
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