Message de guerre nucléaire : la main morte soviétique face au missile de l’apocalypse américain

Au plus fort de la guerre froide, les préoccupations des responsables américains ne se limitaient pas à la capacité de lancer des missiles nucléaires, mais portaient surtout sur la manière de transmettre les ordres de lancement, même dans les pires scénarios de destruction.
C’est ce besoin stratégique qui a conduit au développement de l’un des systèmes de communication les plus secrets et singuliers de l’époque : le système de communication par missile d’urgence AN/DRC-8, plus connu sous le nom de ERCS (Emergency Rocket Communications System).
Ce système a été conçu comme l’ultime recours pour transmettre un ordre de frappe nucléaire dans le cas où toutes les autres voies de communication seraient rendues inopérantes, assurant ainsi la capacité de riposte américaine en toutes circonstances, même après une attaque dévastatrice de l’Union soviétique.
Qui envoie les ordres ?
Dans la doctrine nucléaire américaine, le président des États-Unis est l’unique autorité habilitée à ordonner l’utilisation de l’arme nucléaire.
Une fois la décision prise, elle est transmise via le Centre national de commandement militaire (NMCC) sous forme de message d’action d’urgence (Emergency Action Message – EAM) aux unités de terrain. Dès réception et authentification, les ordres sont exécutés sans possibilité de retour en arrière.
Mais le véritable défi ne résidait pas dans l’exécution de l’ordre, mais bien dans la garantie de sa transmission. Les planificateurs stratégiques américains ont ainsi mis en place des réseaux de communication multi-couches, avec plusieurs niveaux de systèmes de secours.
L’approche américaine était unique : un missile spécialement lancé dans le but de diffuser par ondes radio ultra-hautes fréquences le message présidentiel à toutes les unités terrestres ou aériennes capables de le recevoir à portée visuelle.
Une fois déclenché, le système ne pouvait plus être interrompu, assurant ainsi la transmission certaine de l’ordre de représailles, quelles que soient les circonstances.
Origine et capacités du système
L’idée a émergé en 1961, en pleine montée des tensions entre Moscou et Washington. Le premier test réussi du système a eu lieu en mai 1962 sur la base aérienne de Vandenberg en Californie.
Cependant, des préoccupations ont été soulevées concernant la vulnérabilité des missiles mobiles, poussant l’US Air Force à installer l’ERCS sur des missiles balistiques intercontinentaux Minuteman II, logés dans des silos souterrains protégés.
À la fin de l’année 1967, le système basé sur les Minuteman II est devenu opérationnel. Six missiles étaient maintenus en état d’alerte permanente sur la base aérienne de Whiteman, dans le Missouri.
L’unité de charge utile de l’ERCS pesait environ 875 livres (près de 400 kg) pour une longueur d’environ 2,4 mètres. Les messages étaient enregistrés sur des bandes magnétiques puis transmis par antennes multidirectionnelles une fois en vol.
Au milieu des années 1980, 12 missiles étaient équipés de ce système, dont 8 à 10 constamment prêts à être lancés.
Mais avec la fin de la guerre froide, le président George H. W. Bush décida en 1991 de retirer l’ERCS du service actif, dans le cadre d’une politique de réduction de l’arsenal nucléaire d’alerte.
La « main morte » soviétique
Face à ce dispositif américain, l’Union soviétique avait mis au point un système équivalent connu sous le nom de « Perimeter », souvent désigné en Occident sous le nom de « Dead Hand ».
Peu d’informations officielles existent sur ce programme, mais il était conçu pour garantir une riposte nucléaire automatique même si les plus hauts dirigeants soviétiques étaient éliminés.
Contrairement aux idées reçues, il ne s’agissait pas d’un système totalement autonome. Comme l’ERCS, il nécessitait une activation humaine initiale, avant de transmettre les ordres de lancement à travers des charges utiles similaires installées sur des missiles dédiés.