Moyen-Orient

L’Université de Sanaa sous siège : faux diplômes et grades attribués sur ordre des Houthis


L’attribution d’un diplôme de master avec mention très bien en sciences politiques à Mahdi Al-Mashat, président du soi-disant « Conseil politique suprême » des Houthis, a suscité une vague de moqueries et d’indignation au sein de la société yéménite, notamment dans les milieux académiques. Cette décision ne relève pas d’un simple hommage personnel, mais est perçue par beaucoup comme le reflet de la politique des Houthis visant à détruire l’enseignement supérieur et à le transformer en un outil servant à consolider leur pouvoir. Cela passe par la falsification des diplômes et l’octroi de grades académiques à ceux qui servent leur agenda, que ce soit au Yémen ou à l’étranger.

L’affaire ne s’arrête pas à cette simple distinction honorifique accordée à Al-Mashat ; elle met en lumière un vaste système de corruption organisé au sein des universités sous contrôle houthi. Ces établissements délivrent des diplômes universitaires à leurs dirigeants et falsifient d’autres contre des sommes d’argent, transformant ainsi l’enseignement supérieur en un commerce générant des millions de dollars.

Pendant que les étudiants font face à une détérioration de la qualité de l’éducation et à l’absence d’un cadre académique véritable, les dirigeants de la milice et leurs partisans obtiennent des titres universitaires sans effort ni mérite.

Des diplômes attribués sur ordre… L’éducation au service du pouvoir

L’Université de Sanaa, sous contrôle houthi, a officiellement annoncé l’octroi d’un master avec mention très bien à Mahdi Al-Mashat en sciences politiques, avec la recommandation d’imprimer sa thèse et de la distribuer aux universités arabes.

Cependant, cette soutenance ne s’est pas déroulée dans une salle universitaire, comme le veut la tradition académique, mais au palais présidentiel, ce qui soulève de sérieuses questions sur l’indépendance des institutions éducatives sous l’emprise des Houthis.

Selon des sources académiques, cette thèse ne serait qu’un document de propagande glorifiant le coup d’État des Houthis de 2014 et appelant à son intégration dans les programmes scolaires, une tentative manifeste du groupe de légitimer son putsch par le biais du monde académique.

Des universitaires yéménites estiment que cet événement dépasse une simple violation des protocoles académiques et constitue une stratégie délibérée visant à instrumentaliser la recherche scientifique pour renforcer l’idéologie et la domination politique des Houthis. Les universités sont ainsi contraintes de produire des travaux de recherche au service du discours de la milice.

L’éducation sous emprise houthie : falsification contre allégeance

L’affaire Al-Mashat n’est que la partie visible de l’iceberg concernant la corruption de l’enseignement supérieur sous contrôle houthi. Des sources académiques révèlent que la milice a attribué environ 400 diplômes de haut niveau à ses membres ces dernières années, sans respect des critères académiques. Ce processus s’inscrit dans leur stratégie visant à conférer une « légitimité académique » à leurs cadres, notamment ceux occupant des postes clés depuis le coup d’État de 2014.

Mais le scandale ne se limite pas à l’attribution de diplômes à leurs dirigeants : il s’étend à la vente massive de diplômes de licence, de master et de doctorat à des partisans en interne et à des expatriés yéménites à l’étranger. Ces diplômes leur permettent de régulariser leur situation administrative et professionnelle.

Selon les mêmes sources, le prix de ces diplômes varie entre 3 000 et 10 000 dollars, et ils sont délivrés soit par des intermédiaires à l’intérieur du Yémen, soit à travers des rencontres organisées dans des pays voisins, sans nécessiter aucun examen académique.

Des disciplines propices à la fraude : une stratégie bien pensée

Les Houthis concentrent leurs efforts sur la vente de diplômes dans des disciplines où la fraude est difficile à détecter, telles que la comptabilité, la gestion, l’économie et les sciences sociales. En revanche, l’octroi de diplômes dans des filières médicales et d’ingénierie est limité à ceux qui possèdent une réelle formation académique.

Cette politique permet aux Houthis de poursuivre la falsification des diplômes sans attirer l’attention, car les employeurs ont plus de difficulté à vérifier l’authenticité des titres dans des domaines non techniques.

Concernant les expatriés yéménites, la milice exploite leur besoin de régularisation dans les pays occidentaux. Des membres du groupe, réfugiés à l’étranger, ont sollicité des diplômes universitaires pour faciliter leur accès à l’emploi. Les Houthis ont rapidement répondu à cette demande, transformant ainsi l’enseignement en commerce lucratif tout en étendant leur influence à l’international.

L’Université de Sanaa : d’institution académique à bastion houthi

Autrefois considérée comme l’une des institutions les plus prestigieuses de la région, l’Université de Sanaa est aujourd’hui devenue un outil de propagande houthie. Les salles de classe ne sont plus des lieux de savoir, mais des espaces de diffusion de l’idéologie du groupe et de glorification de ses dirigeants, sans aucun contrôle académique véritable.

Des professeurs universitaires dénoncent cette situation, soulignant que l’attribution arbitraire de diplômes compromet la crédibilité des universités yéménites, rendant difficile la reconnaissance des diplômes légitimes à l’international.

L’éducation au Yémen : entre destruction et marchandisation

Le Yémen subit une destruction méthodique de son système éducatif. Après avoir transformé les écoles en centres d’endoctrinement idéologique, les Houthis poursuivent leur mainmise sur les universités en fabriquant une élite académique factice entièrement loyale à leur cause, mais dépourvue de compétences réelles.

Tant que le conflit yéménite perdure, il est peu probable que la situation s’améliore. Seules des pressions internationales et régionales pourraient limiter ces abus, en restaurant l’indépendance universitaire ou en refusant de reconnaître les diplômes émis par les institutions contrôlées par les Houthis.

 

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