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Les mercenaires colombiens… Une construction narrative visant les Émirats dans le conflit soudanais


La polémique suscitée par un faux document et une vidéo douteuse publiés à la mi-août 2025 n’est qu’un nouvel épisode d’une longue série de campagnes de désinformation liées au conflit soudanais. La nouveauté cette fois-ci réside dans l’exploitation de l’image des “mercenaires colombiens” pour accuser les Émirats d’être à la tête de réseaux transfrontaliers de recrutement, une narration qui révèle davantage qu’elle ne dissimule sur la nature de la bataille médiatique entourant la crise soudanaise.

  1. Le contexte général – la guerre ne se joue plus seulement sur le terrain

Depuis le déclenchement des affrontements entre les Forces de soutien rapide et l’armée soudanaise, les réseaux sociaux et les médias internationaux se sont transformés en champs de bataille parallèles. Dans un contexte où la vérification sur le terrain est difficile, toute histoire fabriquée peut circuler facilement, surtout lorsqu’elle intègre des noms connus ou des détails à dimension “dramatique”. C’est dans ce cadre qu’interviennent le document supposément officiel publié par l’influenceur soudanais Mohamed Abdel Rahman Hashim et la vidéo relayée par une agence italienne, tous deux exploités pour susciter le doute sur le rôle des Émirats.

  1. Pourquoi les Émirats ?

Acteur régional actif au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique, les Émirats sont régulièrement la cible de campagnes hostiles en raison de leurs positions politiques et de leurs intérêts économiques. Leur désignation dans la narration des “mercenaires colombiens” n’est pas fortuite. Elle poursuit plusieurs objectifs :

  • Éroder leur image internationale en tant que partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité ré
  • Monter l’opinion publique soudanaise contre eux en les présentant comme une puissance menant une guerre par procuration.
  • Exploiter la symbolique des mercenaires pour provoquer un choc moral, l’idée de combattants étrangers évoquant une atteinte à la souveraineté nationale et alimentant le discours du “néo-colonialisme”.
  1. Des manipulations flagrantes

Le document partagé portait toutes les marques classiques du faux : absence de dispositifs de sécurité, fautes linguistiques, mise en page non conforme aux modèles officiels. Quant à la vidéo, elle ne montrait en réalité que des soldats soudanais, sans aucune preuve de la présence de mercenaires étrangers. Ces faiblesses n’ont pas empêché leur large diffusion, illustrant une règle d’or des guerres informationnelles : “le mensonge spectaculaire circule plus vite que la vérité sobre”.

  1. La dimension européenne – pourquoi lItalie en particulier ?

Il est révélateur que l’agence ayant relayé la vidéo soit italienne. L’Italie est historiquement impliquée dans les dossiers liés à la migration et à la sécurité dans la Corne de l’Afrique, et reste sensible à toute influence du Golfe dans cette région. Le relais par un média européen donne à la narration une dimension internationale, suggérant qu’il ne s’agit pas d’une simple “campagne locale”, mais d’une “réalité” validée par la presse mondiale.

  1. Lecture politique – ce que cache réellement la narration

Cette campagne de désinformation opère sur trois niveaux :

  • Soudanais : fabriquer l’image d’un ennemi extérieur expliquant la poursuite de la guerre et fragilisant la confiance envers les acteurs régionaux.
  • Régional : affaiblir la place des Émirats dans les équilibres de la mer Rouge et de la Corne de l’Afrique, zones de rivalités avec d’autres puissances.
  • International : instrumentaliser les médias occidentaux en diffusant des récits choquants qui cadrent le conflit soudanais dans la logique des “guerres de mercenaires”, un thème qui séduit l’opinion européenne.

Le faux document et la vidéo truquée ne relèvent pas de simples initiatives isolées de militants, mais s’inscrivent dans une guerre informationnelle visant à remodeler l’image des acteurs régionaux impliqués dans la crise soudanaise. Les Émirats sont pris pour cible précisément parce qu’ils constituent un acteur clé de la stabilité, et que leurs adversaires savent que ternir leur réputation est une arme efficace pour réduire leur influence.

Les événements montrent que le conflit au Soudan a largement dépassé ses frontières pour devenir un terrain de règlements de comptes politiques et médiatiques à plus grande échelle, où les “mercenaires colombiens” ne sont qu’une carte de plus dans le jeu des narrations concurrentes.

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