Les Frères musulmans et le Centre de Munich : un début qui annonce la fin

Quiconque connaît l’histoire des Frères musulmans en Allemagne sait combien le Centre islamique de Munich a été déterminant dans l’ascension du mouvement. Mais aujourd’hui, cette histoire semble se retourner contre ses protagonistes.
Depuis plusieurs décennies, l’Allemagne a occupé une place stratégique dans le plan d’expansion des Frères musulmans. Leur présence dans le pays s’est renforcée avec l’installation de Saïd Ramadan, gendre du fondateur Hassan al-Banna, et Issam al-Attar, un dirigeant syrien du mouvement, coïncidant avec la création du Centre islamique à Munich, dans le sud de l’Allemagne, à la fin des années 1950.
Selon les rapports de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution (les services de renseignement intérieurs), le Centre islamique d’Aix-la-Chapelle, celui de Munich, la mosquée Taiba à Berlin et le Centre Abou Bakr à Cologne comptent parmi les organisations de second rang les plus influentes du réseau des Frères musulmans.
Les Frères musulmans ont consolidé leur présence en Allemagne dès la fin des années 1950, lorsque Saïd Ramadan (1926-1995), bras droit et gendre de Hassan al-Banna, s’est imposé au sein du comité chargé de la construction du Centre islamique de Munich, alors en cours de création par un groupe d’immigrés.
En 1960, les Frères musulmans fondent leur principale organisation en Allemagne, la Communauté islamique d’Allemagne, en marge du projet de construction du Centre islamique de Munich. En 2018, cette organisation a été rebaptisée Communauté musulmane d’Allemagne, forte de 340 membres actifs et d’un soutien bien plus large.
En 1967, le comité de construction de la mosquée de Munich et la Communauté islamique ont posé ensemble la première pierre du Centre islamique de Munich.
Un lien organique
L’organisation de la Communauté musulmane d’Allemagne et le Centre islamique de Munich partagent un lien organique : chacun a contribué à la survie de l’autre, malgré leur séparation géographique ultérieure.
Cette Communauté musulmane d’Allemagne, considérée comme la structure la plus influente des Frères musulmans dans le pays, a été dirigée par de hauts responsables du mouvement, notamment Saïd Ramadan, fondateur du centre de Munich, et Mohammed Mahdi Akef, ancien guide suprême de la confrérie, qui fut également imam du Centre islamique de Munich entre 1984 et 1987.
Le dernier rapport de l’Office pour la protection de la Constitution affirme clairement que la Communauté musulmane d’Allemagne est bien à l’origine de la création du Centre islamique de Munich, établissant ainsi un lien direct avec les Frères musulmans.
Encore aujourd’hui, malgré le déménagement du siège de la Communauté de Munich à Cologne, le Centre islamique de Munich continue d’entretenir des liens étroits avec les Frères musulmans.
Par ailleurs, 50 organisations locales coopèrent actuellement avec la Communauté musulmane d’Allemagne à travers le pays, sans compter les dizaines de mosquées et salles de prière associées.
Une surveillance accrue
D’après les rapports fédéraux de l’Office de protection de la Constitution, le nombre de membres actifs des Frères musulmans en Allemagne a considérablement augmenté, atteignant 1 450 personnes en 2020, contre 1 040 en 2018.
Une nouvelle classification qui change la donne
Jusqu’à récemment, les autorités allemandes considéraient les Frères musulmans comme appartenant au « spectre légal », selon un précédent rapport qui affirmait : « Tandis que des groupes terroristes comme Daech ou Al-Qaïda cherchent à renverser le système par la violence, d’autres groupes islamistes opèrent légalement en Allemagne. Ils poursuivent leurs propres objectifs, qui incluent souvent des transformations sociales et politiques profondes sur le long terme. »
Mais Munich, ville où les Frères ont posé leurs premiers jalons en Allemagne, est désormais celle qui initie leur reclassification en tant que mouvement extrémiste, ouvrant ainsi un nouveau front de confrontation contre leurs idées et activités.
En effet, le ministère de l’Intérieur de Bavière (où se situe Munich) a récemment annoncé, dans un communiqué officiel, la création d’un registre des organisations extrémistes ou influencées par l’extrémisme.
Ce registre inclura les Frères musulmans, ainsi que des mouvements et partis d’extrême droite et d’extrême gauche, selon l’annonce officielle.
Cette classification interdira aux membres de ces groupes de travailler dans la fonction publique – qu’il s’agisse de l’enseignement, de la police ou de la justice –, car, comme l’a déclaré le ministère : « Il n’y a pas de place pour les ennemis de la Constitution dans les institutions publiques. »
Pour de nombreux observateurs, cette mesure devrait faire écho dans les autres États fédéraux allemands et au niveau national, annonçant une nouvelle ère dans le traitement des Frères musulmans : non plus comme partenaires de dialogue, mais comme organisation extrémiste hostile à l’ordre constitutionnel.