Les Frères musulmans en Allemagne en 2025 : coups financiers et entrée du gouvernement en confrontation directe
L’année 2025 a porté de rudes coups aux Frères musulmans en Allemagne, allant de la mise au jour de circuits de financement et de délits de fraude, à l’entrée du gouvernement dans une phase de confrontation décisive avec le mouvement.
Ainsi, l’année qui touche à sa fin n’a nullement été clémente envers le groupe et ses membres sur le sol allemand, enfonçant un nouveau clou dans le processus de son déclin.
Le début de l’année 2025 a été particulièrement difficile pour le mouvement, lorsque le Parlement a examiné, en janvier dernier, un projet de résolution visant à interdire les Frères musulmans.
Le texte, présenté par le groupe parlementaire du parti populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD), portait le titre : « Garantir durablement la sécurité intérieure : donner la priorité à la lutte contre la criminalité, le terrorisme et l’antisémitisme ».
Le projet appelait à l’application, en temps opportun, d’une interdiction définitive des « organisations islamistes et antisémites », tout en tenant compte du champ d’action possible dans le cadre de l’État de droit.
Il classait « le groupe des Frères musulmans en Allemagne et ses ramifications » comme la principale organisation devant être interdite dans le pays.
Le parti insistait sur la nécessité d’adopter des mesures exécutives concrètes pour interdire le groupe, en particulier à l’encontre de « l’Association de la communauté musulmane en Allemagne » (DMG), principal bras des Frères musulmans sur le territoire allemand, ainsi que de ses organisations affiliées.
Le projet demandait également aux autorités d’examiner les associations gérant des mosquées afin de détecter d’éventuelles « tentatives d’infiltration des Frères musulmans, notamment en ce qui concerne la formation des imams, la diffusion de positions islamistes, ainsi que les risques d’influence ou de contrôle depuis l’étranger », et de prendre des mesures immédiates pour y mettre fin.
Cependant, les négociations politiques autour de la formation d’un nouveau gouvernement à cette période ont empêché le Parlement d’aller plus loin dans l’adoption de ce projet.
Un plan d’action
En avril dernier, le gouvernement de coalition formé par l’Union chrétienne (conservatrice) et le Parti social-démocrate (centre gauche) s’est engagé, dans son accord de coalition, à lutter contre l’islam politique, avec au cœur de cette stratégie le groupe des Frères musulmans.
L’accord stipule : « Nous lutterons contre l’islamisme et mettrons en place un plan d’action fédéral à cet effet. Nous développerons le groupe de travail pour la prévention de l’islamisme afin qu’il devienne une structure permanente au sein du ministère fédéral de l’Intérieur, chargée d’aborder ce phénomène de manière globale et de soutenir le plan d’action attendu ».
À partir du mois de novembre, l’Allemagne a connu une intensification notable des mesures visant les Frères musulmans et les organisations qui leur sont liées.
Au début du mois, le ministère de l’Intérieur a annoncé l’interdiction de l’organisation « Muslim Interaktiv », portant un coup sévère aux groupes ayant fait d’Internet un espace d’activité, de recrutement et de mobilisation, selon des observateurs.
Dans le décret d’interdiction, le ministre de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, a déclaré : « Nous ne permettrons pas à des organisations comme Muslim Interaktiv de saper notre société libre par leur haine, de mépriser notre démocratie et d’attaquer notre pays de l’intérieur ».
Pour justifier cette décision, le ministère a expliqué que les objectifs et les activités de l’association étaient incompatibles avec l’ordre constitutionnel et l’idée de compréhension entre les peuples.
Muslim Interaktiv incarne une nouvelle génération d’organisations proches des Frères musulmans et concentre son discours sur les jeunes générations.
Le cas El-Gazzar
Au cours de la deuxième semaine de novembre, un tribunal allemand a condamné Saad El-Gazzar, directeur du Centre culturel et éducatif Marwa El-Sherbini à Dresde, pour détournement de dons des fidèles à des fins personnelles.
Il a été reconnu coupable de vols répétés dans la caisse de l’association en 2019 et d’avoir transféré plus de 13 000 euros à son profit, provenant de dons effectués par des fidèles lors des prières du vendredi à la mosquée de l’association.
D’origine égyptienne, El-Gazzar est considéré comme l’un des principaux cadres des Frères musulmans dans l’est de l’Allemagne. Le groupe lui avait confié la mission de superviser l’expansion de ses branches dans le Land de Saxe et de diffuser ses idées sur Internet.
Un coup porté au « bras doux »
Lors de la troisième semaine du même mois, l’Alternative pour l’Allemagne, deuxième force parlementaire au Bundestag, a adressé une interpellation urgente au gouvernement concernant l’octroi de financements publics à certains projets gérés par des structures liées aux Frères musulmans.
Dans le préambule de cette interpellation, le groupe parlementaire de l’AfD a indiqué que le gouvernement fédéral soutient depuis des années des organisations actives dans la promotion de la démocratie, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, parmi lesquelles figurent l’Alliance contre l’islamophobie et l’hostilité envers les musulmans (CLAIM), le Réseau des nouvelles organisations allemandes, ainsi que des partenaires régionaux tels que Teilseiend e. V. et l’Académie islamique de Heidelberg.
Le groupe a souligné qu’« une subvention publique à un projet privé ne peut être accordée que s’il existe un intérêt fédéral majeur », conformément à l’article 23 de la loi fédérale sur le budget, estimant que le financement de ces organisations nécessite « des enquêtes parlementaires approfondies ».
Cette interpellation ouvre un dossier sensible en Allemagne, relatif au financement d’organisations évoluant dans une zone grise : elles ne sont pas directement affiliées aux Frères musulmans, mais opèrent au sein de leur réseau et mettent en œuvre leur stratégie à l’aide de fonds publics alloués à des programmes de soutien à la démocratie et à l’intégration.
Dans une enquête publiée il y a deux ans, comment les Frères musulmans gèrent l’alliance CLAIM depuis l’arrière-plan, sous une façade « modérée », afin de promouvoir leurs objectifs et de diffuser leurs idées extrémistes en Allemagne.
Un conseil consultatif
Parallèlement à cette interpellation, le ministère fédéral de l’Intérieur a annoncé la création d’un conseil consultatif permanent chargé de la lutte contre l’islam politique et l’extrémisme religieux. Cette initiative vise, à terme, à élaborer des politiques préventives efficaces pour contrer ce type d’extrémisme, tout en évitant toute stigmatisation ou discrimination visant les communautés musulmanes du pays, selon le ministère.
Présidé par le secrétaire d’État parlementaire au ministère de l’Intérieur, Christoph de Vries, ce conseil réunit quinze experts, parmi lesquels des spécialistes reconnus des études islamiques, des sciences sociales, de la prévention, des services de sécurité, des représentants de la société civile, des experts en lutte contre l’extrémisme, ainsi que des personnalités engagées dans les questions de participation citoyenne et d’intégration.
La création de ce conseil constitue une étape préparatoire au lancement d’un plan d’action destiné à combattre l’islamisme, plan auquel les partis de la coalition gouvernementale actuelle s’étaient engagés au printemps dernier.
Selon des observateurs, la fin de l’année 2025 a été marquée par une intensification des mesures visant les Frères musulmans, leurs structures et leurs membres en Allemagne, ouvrant la voie à une année encore plus difficile, susceptible de voir l’adoption de nouvelles mesures fermes à leur encontre.
