Grand Maghreb

Les Frères musulmans de Tunisie et l’affaire du recrutement : des verdicts qui tournent la page d’une époque sombre


Quelques jours à peine après les condamnations dans l’affaire de complot contre la sûreté de l’État, impliquant des dirigeants des Frères musulmans, le mouvement a subi un revers majeur, ébranlant ses fondations et anéantissant ses espoirs de retour sur la scène politique.

Vendredi soir, un tribunal tunisien a prononcé de lourdes peines contre des membres du mouvement des Frères musulmans dans l’affaire dite du « recrutement de terroristes vers les zones de conflit », mettant ainsi un terme – du moins provisoire en attendant la confirmation des verdicts – à l’une des affaires les plus marquantes de la dernière décennie en Tunisie.

Le tribunal spécialisé dans les affaires de terrorisme a condamné huit figures majeures impliquées dans cette affaire (sur un total de 800 accusés dont les procès n’ont pas encore été fixés) à des peines allant de 18 à 36 ans de prison. Le procès a mis en lumière la véritable nature du mouvement, révélant aux Tunisiens l’ampleur des crimes commis sous sa gouvernance depuis 2011 et comment il a manipulé des jeunes pour les envoyer sur les champs de bataille.

Leffondrement des espoirs des Frères musulmans

Le militant et analyste politique tunisien Monji Essararfi a déclaré que cette affaire est complexe, et que la poursuite des responsables de l’affaire du recrutement était une demande populaire à laquelle la justice tunisienne a répondu.

Il a rappelé que le mouvement Ennahdha ne s’attendait pas à un passage aussi court au pouvoir, ce qui l’a conduit à commettre de graves abus, notamment en plaçant à la tête du ministère de l’Intérieur et du gouvernement l’un de ses membres les plus dangereux : Ali Larayedh, pour exécuter ses projets criminels.

Ali Larayedh (70 ans), a été deux fois condamné à mort par contumace en 1987 pour tentative de coup d’État, avant d’être gracié. Il a été secrétaire général du mouvement Ennahdha, arrêté en décembre 1990 pour des faits terroristes et condamné en 1992 à 15 ans de prison, dont 10 ans en isolement.

Aujourd’hui, l’histoire se répète : il vient d’être condamné à 33 ans de prison dans l’affaire du recrutement.

Suite aux verdicts, la députée Fatma Mseddi a écrit sur Facebook : « Ce jugement n’est pas une victoire personnelle, mais un triomphe de la vérité et du sang de nos jeunes, sacrifiés au nom de la religion sous la bannière de la trahison. »

En décembre 2021, Fatma Mseddi, membre de la commission parlementaire sur le recrutement, avait déposé une plainte auprès de la justice militaire pour ouverture d’enquête. Elle a affirmé avoir porté ce dossier depuis 2016, malgré les menaces, soulignant : « J’ai refusé de me taire quand le silence était une trahison. Aujourd’hui, la vérité triomphe, même si cela a pris du temps. »

Des sources sécuritaires ont confirmé que les Frères musulmans ont facilité le passage de terroristes via l’aéroport de Carthage vers des zones de guerre, en plus d’avoir formé des jeunes au maniement des armes dans trois centres relevant du ministère de l’Intérieur et d’avoir acheminé des valises d’argent.

Les condamnés :

  • Ali Larayedh, vice-président du mouvement Ennahdha : 34 ans de prison.
  • Noureddine Khedher : 36 ans de prison.
  • Abdelkarim Laabidi et Fathi El-Beldi, deux hauts responsables sécuritaires : 26 ans de prison chacun.
  • Dirigeants d’Ansar al-Sharia :
    • Hichem Saadi : 36 ans,
    • Lotfi El-Hamami : 28 ans,
    • Saifeddine Raies : 24 ans,
    • Sami Chaâr : 18 ans.

Le procès a duré plus de 18 heures jusqu’à 4h30 du matin mercredi.

Charges retenues :

Selon le substitut du procureur général du pôle antiterroriste Aymen Chetiba, les chefs d’accusation sont :

Contexte de laffaire

Fin 2016, une commission parlementaire avait été créée pour enquêter sur les réseaux de recrutement de jeunes Tunisiens vers les zones de conflit. En 2018, plus de 3 000 terroristes tunisiens avaient été identifiés en Syrie, Libye et Irak ; environ 1 000 sont rentrés au pays.

Qui sont les accusés clés ?

Ansar al-Sharia :

  • Lotfi El-Hamami : superviseur d’une cellule de recrutement.
  • Hichem Saadi alias « Abou Jihad » : prêcheur jihadiste et recruteur.
  • Sami Chaâr : superviseur de cellules à Nabeul, soutien financier à l’association Namaa.
  • Saifeddine Raies : porte-parole du groupe interdit.

Ce groupe prônait l’instauration de la charia, a été classé organisation terroriste par la Tunisie et les États-Unis en 2013.

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