Les Frères musulmans au Royaume-Uni : expansion idéologique et incapacité à les contrer
Plus de vingt ans après la montée des vagues de terrorisme en Europe, le Royaume-Uni fait toujours face à un défi croissant : la pénétration de l’idéologie des Frères musulmans au sein de ses institutions.
Cette situation s’accompagne d’accusations répétées contre le gouvernement britannique, accusé d’« un silence délibéré » face à l’influence du mouvement, considéré comme la matrice intellectuelle la plus ancienne des organisations extrémistes dans le monde.
Dans un rapport publié par le magazine australien Quillette, le chercheur Daniel Allington écrit que Londres « semble incapable de traiter sérieusement la plus grande menace interne à laquelle elle est confrontée » — celle de l’expansion idéologique des Frères musulmans dans les universités, les associations caritatives et les structures communautaires, sous le couvert de la « représentation religieuse » des musulmans britanniques.
L’influence des Frères musulmans dans les institutions britanniques
Quillette explique que des personnalités et organisations liées aux Frères musulmans exercent aujourd’hui une influence considérable dans les domaines religieux, caritatif et économique du Royaume-Uni. Elles gèrent d’importants investissements, des portefeuilles immobiliers et proposent des services éducatifs, sociaux et culturels, leur donnant une capacité directe à modeler les jeunes générations de musulmans britanniques.
Le rapport décrit cette structure comme « un réseau intégré de loyautés organisationnelles », géré méticuleusement au sein d’institutions apparemment légales, mais qui diffusent un discours idéologique hostile aux valeurs occidentales, cherchant à imposer des normes religieuses et sociales conservatrices sur les communautés locales.
Une enquête officielle depuis l’ère Cameron
Le rapport rappelle que l’ancien Premier ministre David Cameron avait commandé, en 2015, une enquête officielle sur les activités des Frères musulmans au Royaume-Uni. Le rapport concluait alors que des organisations et figures liées au mouvement « exerçaient une influence importante sur des institutions islamiques majeures, dont la Fédération nationale des étudiants musulmans, le Conseil des musulmans de Grande-Bretagne, la Société musulmane britannique et plusieurs associations caritatives et mosquées ».
Certaines de ces entités avaient exprimé un soutien explicite au Hamas et loué ses opérations armées contre des civils, sans jamais condamner clairement ces actes. De plus, nombre d’organisations associées aux Frères n’ont jamais renié les idées de Sayyid Qutb, principal théoricien du mouvement, dont les écrits ont inspiré les vagues successives d’extrémisme tant au Moyen-Orient qu’en Occident.
Des politiques britanniques contradictoires
Malgré les conclusions du rapport Cameron, le gouvernement britannique — selon Quillette — n’a pris aucune mesure significative pour restreindre les activités ou surveiller le financement de ces structures.
Pire encore, certaines institutions publiques ont poursuivi leur collaboration avec elles : en 2023, le ministère britannique de la Défense a, par exemple, fait appel au Conseil des musulmans de Grande-Bretagne pour recommander les aumôniers militaires, bien que ce même conseil ait publiquement rejeté les programmes de lutte contre l’extrémisme tels que la stratégie « Prevent ».
Cette approche, selon le rapport, « reflète une double politique dans la gestion du risque lié aux Frères musulmans », accordant à des groupes idéologiquement proches du mouvement une légitimité institutionnelle malgré leur hostilité au principe d’État civil.
Une infiltration communautaire organisée
Selon Quillette, les organisations liées aux Frères musulmans cherchent à renforcer leur présence au sein des communautés musulmanes du Royaume-Uni en proposant un ensemble complet de services religieux, éducatifs et sociaux, leur conférant une influence quasi totale sur la vie quotidienne des familles musulmanes.
Le rapport qualifie cette stratégie de « méthode douce de domination intellectuelle », visant à créer ce que les idéologues des Frères appellent « un environnement islamique complet », dans lequel la vie de l’individu est régie religieusement du berceau à la tombe, en marge des structures de l’État et de la société civile.
Déclin du discours réformiste
Allington souligne que la nouvelle génération de prêcheurs et militants des Frères musulmans au Royaume-Uni se montre plus rigide que la précédente. Les signes d’un islam rigoriste — comme le port strict du voile, la ségrégation sociale et le respect littéral des codes religieux — se sont multipliés dans les quartiers à forte population musulmane au cours de la dernière décennie.
Il met en garde contre une tendance qui « transpose le conflit idéologique du monde arabe au cœur des villes britanniques », sapant les valeurs de citoyenneté et d’intégration que le Royaume-Uni a longtemps présentées comme modèle européen de tolérance.
L’Europe face au dilemme de la complaisance
Les conclusions sur le Royaume-Uni rejoignent celles observées dans d’autres pays européens, notamment la France, confrontée elle aussi à la montée du mouvement.
Un rapport officiel cité par Le Figaro en mai dernier a identifié l’Union des musulmans de France comme la principale branche des Frères musulmans dans le pays, contrôlant 139 mosquées et 68 sites affiliés — soit environ 7 % des lieux de culte musulmans — ainsi que 280 associations et 21 écoles.
Le rapport souligne que l’objectif du mouvement est de créer des « systèmes sociaux locaux » imposant progressivement des normes culturelles et religieuses strictes, incluant le port du voile, la ségrégation sexuelle et la mainmise sur la vie sociale dès l’enfance.
Alors que plusieurs États arabes, comme les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie, interdisent les Frères musulmans comme organisation terroriste, l’Europe leur accorde toujours une couverture juridique leur permettant d’agir sous des appellations caritatives, religieuses ou éducatives.
Pour Quillette, cette divergence entre les positions arabes et occidentales révèle une incompréhension de la nature du danger islamiste, l’Occident confondant souvent la liberté de religion avec l’exploitation politique du fait religieux destinée à miner l’État moderne de l’intérieur.
La nécessité d’une riposte intellectuelle plutôt que sécuritaire
Le rapport conclut que le Royaume-Uni est aujourd’hui à la croisée des chemins : continuer à tolérer l’idéologie des Frères musulmans, ou redéfinir les limites de la liberté religieuse afin de protéger la société contre des mouvements à visée politique.
La lutte contre l’extrémisme, selon Quillette, ne peut se limiter à la surveillance sécuritaire ; elle doit s’attaquer à l’architecture idéologique et organisationnelle bâtie par les Frères au fil des décennies au sein des institutions et des communautés locales.
Allington conclut : « Persister à ignorer la menace des Frères musulmans, malgré l’évidence de leur influence, n’est pas un signe de tolérance ni de neutralité, mais un manquement grave à la défense de la démocratie contre ses véritables ennemis. »
