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Les drones turcs au Soudan : quand l’armement échoue et les intentions se dévoilent


Rien ne démasque la propagande comme le terrain. C’est exactement ce qui est arrivé aux drones turcs engagés dans la guerre au Soudan, annoncés comme décisifs mais repartis dans un silence embarrassé. Le Bayraktar Akıncı, maintes fois vanté par Ankara dans sa communication militaire, n’a pas réussi à pénétrer l’espace aérien tenu par les Forces de soutien rapide. Il a finalement été remplacé par des drones kamikazes de type Yiha, qui ont tous été abattus avant de pouvoir causer le moindre dommage significatif.

Mais l’affaire ne se limite pas à un simple échec militaire. Elle révèle aussi les limites de la politique étrangère turque, son influence réelle sur le continent africain, et la nature de ses choix stratégiques. L’échec des drones n’a pas seulement mis en lumière l’impuissance technologique, il a surtout exposé les intentions profondes d’Ankara plus qu’il n’a atteint les objectifs de l’armée soudanaise.

Exporter des armes… et un projet idéologique

Ces dernières années, la Turquie n’a pas seulement exporté des drones, elle a tenté de diffuser un modèle politique : une alliance entre militaires et courants islamistes, soutenue par une machine médiatique et diplomatique bien rodée. Ce que l’on observe aujourd’hui au Soudan en est une version déformée : Ankara soutient officiellement l’armée, tout en entretenant des liens avec les forces islamistes de Port-Soudan, qui cherchent à retrouver une influence au sein du pouvoir.

Le paradoxe, voire le cynisme, réside dans le fait que cette aide est présentée comme un « soutien à la stabilité », alors que dans la réalité, l’implication turque – comme celle d’autres puissances étrangères – complexifie la crise, prolonge la guerre, et redonne du pouvoir à des acteurs ayant déjà échoué à construire un État fonctionnel.

Une défaite technique aux conséquences politiques

L’échec des drones kamikazes Yiha, censés neutraliser les radars et systèmes de défense aérienne, ne remet pas seulement en question la crédibilité des fabricants, il perturbe aussi les calculs politiques et militaires d’Ankara. Ces drones devaient renforcer la position de l’armée soudanaise et améliorer l’image de la Turquie en tant que fournisseur d’armement fiable, notamment sur le marché africain. Désormais, les sarcasmes à propos des Bayraktar font le tour des discussions à Khartoum, et cela pourrait nuire aux ventes dans d’autres pays intéressés.

Surtout, cet échec affaiblit l’influence turque dans la prise de décision militaire et politique à Khartoum, et pousse l’armée soudanaise à reconsidérer ses alliances régionales, à l’heure où la communauté internationale intensifie la pression sur les acteurs qui misent sur la guerre plutôt que sur la négociation.

Le Soudan n’est pas un terrain d’expérimentation

Croire que le Soudan est un simple laboratoire pour tester de nouvelles armes est une grave erreur. Ce pays possède une histoire complexe, marquée par de nombreuses interventions étrangères infructueuses. Ce que la Turquie tente aujourd’hui en fournissant des drones à l’armée soudanaise n’est qu’une répétition d’erreurs déjà commises par d’autres puissances, qui ont cru qu’une série de frappes suffirait à changer l’équilibre du pouvoir, oubliant que la guerre au Soudan ne se gagne pas depuis le ciel.

Il est temps de revoir les calculs

L’échec des drones turcs au Soudan ne doit pas être lu comme un simple incident technique, mais comme un symptôme d’une stratégie interventionniste dépassée. Ankara doit reconsidérer ses paris, abandonner les illusions de domination par les islamistes et la force militaire, et comprendre que la stabilité du Soudan ne se construit pas avec des drones, mais avec une volonté politique soudanaise autonome et sincère.

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