Politique

Les coulisses de la force internationale à Gaza : découvrez tous les détails


Des équipes internationales opérant au Centre de coordination civilo-militaire américain, situé à Kiryat Gat, dans le sud d’Israël, s’emploient à définir les modalités de la future force internationale de stabilisation qui devrait être déployée prochainement dans la bande de Gaza.

La création de cette force a été approuvée la semaine dernière par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande des États-Unis.

Le journal israélien Yediot Aharonot a indiqué dimanche que, « faute de précédent international et à la lumière de l’expérience douloureuse tirée de la FINUL au sud du Liban, six équipes de réflexion et d’orientation se réunissent chaque matin au troisième étage du Centre de coordination civilo-militaire américain ».

Le quotidien ajoute : « Le groupe rassemble des représentants de 21 pays. Ils tentent de définir l’avenir de la bande de Gaza. La plupart sont enthousiastes, mais attendent une décision qui sera prise loin de la zone industrielle de Kiryat Gat. Et il est clair pour tous que si le plan échoue ou prend du retard, le grand gagnant sera le Hamas. »

Selon les estimations de l’armée israélienne citées par le journal, les États-Unis devraient décider « dans quelques semaines à quelques mois » du lancement de la force multinationale. Sans cette force, la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu avec le Hamas ne pourra pas avancer.

Pendant que des responsables juridiques de l’ONU discutent des prérogatives de la force avec leurs homologues du Commandement central de l’armée américaine (CENTCOM), six groupes de travail à Kiryat Gat se penchent sur la préparation du terrain afin de permettre un déploiement rapide.

Ils planifient l’armement dont disposera la force, ses zones d’opération précises, son mandat, les mécanismes destinés à éviter les échanges de tirs accidentels avec l’armée israélienne, ainsi que les équipements de communication destinés aux soldats étrangers déployés dans la bande.

Même le nom de la force est toujours en discussion, tout comme les couleurs des uniformes qui remplaceront ceux de l’armée israélienne, y compris pour des missions sensibles telles que la localisation et la destruction des tunnels encore présents dans la bande de Gaza, ou encore la collecte d’environ 20 000 armes détenues par des combattants du Hamas, de manière volontaire ou par la force.

Contrairement à certaines informations, si la force multinationale est réellement créée et si les pays sollicités – notamment à majorité musulmane – acceptent d’envoyer des troupes, celles-ci seront stationnées à l’intérieur de la bande de Gaza, et non en territoire israélien.

Selon Yediot Aharonot, l’establishment sécuritaire israélien insiste sur ce point, même si les décisions des pays impliqués auront un poids important, notamment s’ils expriment des préoccupations concernant la sécurité de leurs contingents.

Le journal indique que, la semaine dernière, les États-Unis ont choisi de dévoiler à la presse le fonctionnement du centre de commandement, dans l’espoir que cette exposition médiatique – même largement théorique pour le moment – donnera une impulsion positive au projet et permettra de passer des paroles aux actes.

Les mécanismes de coordination déjà en place ont prouvé une certaine efficacité. Bien qu’il n’existe pas d’officiers de liaison officiels, lorsque des membres du Hamas – y compris armés – quittent leurs positions tous les quelques jours pour rechercher des otages, parfois jusqu’à la zone contrôlée par l’armée israélienne au-delà de la ligne jaune, l’armée ne les prend pas pour cible grâce à la coordination tactique établie entre les deux parties.

Un responsable militaire israélien souligne que « les choses deviennent plus simples. Il y a deux ans seulement, nous devions encore prouver à la communauté internationale, et aux États-Unis, que le Hamas contrôlait l’aide humanitaire dans plusieurs incidents complexes. Désormais, les Américains sont présents physiquement dans le centre de commandement humanitaire et le voient quotidiennement ».

L’un des groupes les plus importants est celui consacré au renseignement.

Pour préparer la force multinationale à des opérations concrètes, des officiers du renseignement militaire israélien fournissent quotidiennement des rapports et des briefings aux officiers étrangers afin de leur expliquer le fonctionnement du Hamas en tant qu’organisation militaire : la structure interne des tunnels, le temps nécessaire pour reconstruire un puits après un bombardement, l’organisation d’une compagnie ou d’un bataillon du Hamas, ainsi que ses types d’armement et ses tactiques, principalement issues de la guérilla combinée à l’utilisation d’armes antichars et de tireurs embusqués, des méthodes particulièrement employées l’an dernier contre les forces israéliennes.

L’objectif est simple : éviter que la force multinationale – qui pourrait opérer parallèlement à une police palestinienne entraînée pour des missions similaires – ne soit surprise dès ses premières confrontations avec les hommes armés du Hamas.

Selon un porte-parole de l’armée israélienne, « il n’existe aucune force multinationale comparable dans le monde. Nous avons cherché des exemples, surtout pour savoir quoi ne pas faire ».

La FINUL au Soudan est citée comme exemple négatif : bien qu’armés, ses soldats se replient dès qu’ils essuient des tirs. Sous bien des aspects, la force prévue à Gaza serait une première mondiale.

La mise en place de la force a été confiée à l’unité des opérations spéciales du Commandement central américain, ce qui laisse penser que les soldats engagés ne ressembleront pas aux observateurs philippins ou italiens déployés dans les forces de l’ONU au Golan ou au Liban.

Le terme « FINUL » revient souvent dans les discussions, mais de façon négative : du point de vue israélien, la force censée garantir le calme dans le sud du Liban depuis la fin des années 1970 représente l’exact inverse de ce qu’ils souhaitent à Gaza.

Son incapacité à faire face aux intimidations du Hezbollah, surtout ces deux dernières années, est étudiée comme un contre-modèle. Israël estime qu’aucune crainte similaire ne doit apparaître à Khan Younès ou Deir al-Balah.

La confiance entre les deux côtés s’installe progressivement au sein du centre de commandement : lorsqu’une unité israélienne entre à Beit Hanoun ou dans une zone de Jabalia pour détruire un tunnel nouvellement découvert, l’information est transmise aux officiers américains, qui vérifient la conformité de l’opération avec les règles du cessez-le-feu.

En ce qui concerne l’aide humanitaire, le groupe chargé du dossier est le plus actif. Les États-Unis ont récemment annoncé qu’ils assumaient la responsabilité de l’aide acheminée vers Gaza, mais en pratique, Israël demeure l’acteur principal. L’armée israélienne inspecte les camions d’aide aux points de passage et décide du maintien de l’interdiction concernant les matériaux à double usage, comme le ciment ou l’acier, nécessaires à la reconstruction des milliers d’habitations détruites, mais susceptibles d’être utilisés pour construire de nouveaux tunnels.

Un autre groupe élabore déjà des projets concernant de nouveaux quartiers palestiniens dans la bande. Pour la majorité des deux millions d’habitants de Gaza, il n’existe plus de logement où retourner : la plupart des bâtiments ont été entièrement détruits ou gravement endommagés par les opérations militaires israéliennes, rendant impossible tout retour.

Ce groupe construit des modèles préliminaires pour de nouveaux quartiers palestiniens et étudie des questions telles que leur raccordement à l’électricité. Les quartiers reconstruits à Beit Hanoun seront-ils alimentés par une ligne électrique israélienne voisine, près de Sdérot, ou par la ligne alimentant le sud de la bande depuis l’Égypte ?

Les membres étrangers du groupe discutent également des nouveaux réseaux d’eau et des infrastructures de carburant, mais se concentrent surtout sur une tâche

inédite au Moyen-Orient depuis la Seconde Guerre mondiale : l’évacuation de volumes considérables de décombres générés par deux ans de guerre. Aucune estimation précise n’existe encore, mais il s’agirait de milliers, voire de dizaines de milliers de tonnes, après la destruction totale de quartiers entiers à l’est de Khan Younès, Rafah, Shuja’iyya et Beit Hanoun.

Un groupe de travail se penche aussi sur le long terme : à quoi ressemblera le système éducatif de la bande, quels contenus seront enseignés dans les écoles et les jardins d’enfants. Certains évoquent même la formation d’imams afin d’éviter tout discours incitatif provenant des institutions religieuses de l’Autorité palestinienne. La croissance démographique reste un élément essentiel : la bande de Gaza comptera environ 50 000 habitants supplémentaires chaque année.

Actuellement, environ 150 soldats israéliens participent à ce dispositif international dirigé par les États-Unis, afin de défendre les intérêts sécuritaires israéliens dans toutes ces discussions.

Selon le journal, les Italiens et les Britanniques se montrent particulièrement intéressés par les modalités de destruction des tunnels du Hamas par la future force multinationale, ayant acquis une grande expérience dans le domaine des explosifs et de l’ingénierie militaire au sein de l’OTAN. Les Australiens participent également, tandis que les Hongrois et les Danois se concentrent surtout sur les mécanismes d’aide humanitaire.

Le sentiment dominant au sein de l’establishment sécuritaire est que l’avenir de Gaza passera inévitablement par une gouvernance palestinienne locale, sous supervision et participation internationale, avec un soutien qui pourrait, à terme, devenir permanent.

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