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L’Égypte fait capoter le sommet quadripartite sur le Soudan : le soutien à l’armée entrave le processus de paix


Dans un rebondissement inattendu, un sommet quadripartite prévu pour la fin du mois — réunissant les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis — a été annulé. Ce sommet, présenté comme une “occasion rare” d’élaborer une position régionale commune pour mettre fin à la guerre au Soudan, a échoué à la dernière minute en raison du rejet catégorique par l’Égypte d’une initiative américaine visant à instaurer une transition politique civile excluant à la fois l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide.

Coulisses : une initiative américaine irrite Le Caire

Selon des sources diplomatiques, l’administration américaine avait proposé une feuille de route politique pilotée par des civils soudanais indépendants, sous supervision internationale, excluant temporairement les deux camps armés de toute autorité exécutive durant la période de transition, afin de garantir l’impartialité et la reconstruction d’institutions civiles viables.

Cette proposition a suscité une vive opposition du côté égyptien, qui y a vu — selon les mêmes sources — “une approche inacceptable portant atteinte à la sécurité nationale”. Le Caire considère en effet l’armée soudanaise comme un allié stratégique incontournable. D’autres sources confirment que la délégation égyptienne avait même menacé de se retirer entièrement du sommet si cette initiative était officiellement inscrite à l’ordre du jour — poussant les organisateurs à annuler l’événement dans son ensemble.

Riyad et Abou Dhabi : flexibilité conditionnelle, sans confrontation

Contrairement à l’inflexibilité du Caire, l’Arabie saoudite et les Émirats ont affiché une attitude plus souple. Riyad s’est déclarée prête à “discuter de toute proposition garantissant l’unité et la stabilité du Soudan”, tandis qu’Abou Dhabi, sans s’opposer ouvertement, a demandé de “ne pas précipiter l’exclusion d’aucune partie avant d’avoir obtenu des garanties sur la cohésion de l’État”.

Cette divergence de vues révèle, selon les analystes, une fissure réelle au sein du front régional, et un manque de coordination efficace face à l’une des crises les plus critiques de la Corne de l’Afrique.

Une toile d’intérêts : pourquoi Le Caire tient-il tant à l’armée soudanaise ?

Les rapports de renseignement et les analyses confirment que les relations entre l’Égypte et l’armée soudanaise dépassent la simple solidarité politique : elles englobent une coopération militaire et sécuritaire étroite, notamment en matière de surveillance des frontières, de lutte contre le terrorisme, et de gestion du dossier du Nil et du barrage de la Renaissance. Le Caire craint qu’un futur pouvoir civil à Khartoum ne rompe avec ces lignes rouges ou ne reconfigure les priorités nationales d’une manière contraire à ses intérêts stratégiques.

Blocage politique ou défense d’intérêts nationaux ?

Ce positionnement soulève néanmoins des questions cruciales : la défense des intérêts nationaux peut-elle justifier la paralysie d’efforts internationaux en faveur de la paix ? Est-il légitime de soutenir un régime militaire enlisé dans une guerre civile, alors que des millions de Soudanais souffrent de famine, de déplacement et de violence ?

Pour l’expert en affaires africaines Abdel Rahman Ahmed, “Le Caire confond stabilité réelle et stabilité factice produite par des régimes autoritaires”. Il ajoute que “soutenir des dictatures dans la région peut offrir à l’Égypte une influence à court terme, mais alimente une instabilité durable”.

Conséquences : après l’échec du sommet

L’échec du sommet révèle la fragilité des approches internationales envers la crise soudanaise, et enterre les espoirs de parvenir à une position unifiée. Il ouvre la voie à la poursuite de la guerre comme seule issue perçue, faute d’un cessez-le-feu durable ou d’un accord politique global.

Les civils soudanais, qui ont payé le plus lourd tribut depuis le début du conflit, sont désormais exclus de tout processus de négociation effectif, alors que les capitales régionales privilégient leurs intérêts géopolitiques — y compris celles qui prétendent soutenir une transition démocratique.

Conclusion :

Tant que les calculs régionaux prévaudront sur les voix des victimes, et que les alliés des militaires auront droit de veto sur la scène politique, le fracas des armes dominera encore longtemps le ciel soudanais.

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