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L’Égypte et l’obstruction du processus quadripartite : les paris militaires au Soudan aux dépens de la stabilité régionale


Dans un contexte marqué par les divisions régionales et les incertitudes internationales sur la manière de résoudre la crise soudanaise, un sommet quadripartite prévu à la fin du mois à Washington — réunissant les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis — a été annulé. Ce sommet visait à discuter d’une sortie de crise pour le Soudan, en guerre ouverte entre l’armée nationale et les Forces de soutien rapide. L’annulation a été provoquée par un refus catégorique de l’Égypte face à une proposition américaine instaurant une transition politique civile sans les protagonistes militaires.

Ce rejet égyptien, qualifié diplomatiquement de « ferme », ne peut être dissocié des liens étroits entre Le Caire et la hiérarchie militaire soudanaise. Pour l’Égypte, l’armée soudanaise représente un allié stratégique, garant essentiel de la sécurité nationale, notamment face aux enjeux du Nil et à la question du barrage de la Renaissance. Dès lors, tout scénario affaiblissant l’influence militaire à Khartoum est perçu comme une menace directe. Si cette position semble rationnelle du point de vue égyptien, elle la place cependant en opposition frontale avec les efforts urgents de médiation.

Contrairement à l’attitude rigide de l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats ont montré davantage de souplesse à l’égard de la proposition américaine, laissant entrevoir une ouverture au dialogue. Cette divergence au sein du groupe quadripartite illustre un réalignement stratégique en cours dans le Golfe, où les intérêts économiques et politiques au Soudan commencent à primer sur le soutien systématique aux acteurs militaires.

La chute de cette initiative quadripartite éteint l’espoir d’un consensus régional-international capable d’esquisser une feuille de route viable, affranchie de la logique des armes. Le rejet du Caire ne se contente pas de bloquer le processus politique, il légitime implicitement la poursuite de la guerre comme une option politique acceptable.

Cette impasse met également en lumière les limites de la vision occidentale face aux crises africaines. Malgré son influence, Washington n’a pas réussi à aligner ses partenaires autour d’une approche cohérente. Cela révèle une faille persistante dans la capacité occidentale à répondre aux effets des coups d’État militaires en Afrique, et soulève des doutes sur la crédibilité d’une médiation incapable d’imposer une volonté politique unifiée.

En réalité, l’Égypte cherche à maintenir l’armée soudanaise au pouvoir non pas pour le bien du Soudan, mais pour défendre ses propres intérêts sécuritaires. Du barrage éthiopien aux craintes de voir émerger des forces politiques hostiles, Le Caire calcule à court terme. Mais ce pari pourrait se retourner contre elle si le Soudan poursuit sa descente vers l’éclatement.

En conclusion, l’Égypte, par son attachement au pouvoir militaire, risque de se retrouver non pas en position de stabilisateur régional, mais en acteur de l’enlisement. Ce choix empêche toute transition inclusive, aggrave la catastrophe humanitaire, et éloigne davantage la perspective d’une paix durable. Le Caire doit reconsidérer sa stratégie, abandonner la logique de « la stabilité par la force », avant de se retrouver confrontée à un voisin en ruine aux portes de ses frontières.

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